L'Alamblog - Mot-clé - Blanche Vogt2024-03-29T01:51:09+01:00Le Préfet maritimeurn:md5:891a4437ffb56035bcdd99ce6fc8c9f0DotclearJournalistes aussiurn:md5:95c329c45322063c63e40395011fb6e12019-08-30T01:45:00+02:002019-08-31T16:25:11+02:00Le Préfet maritimeDernier reçu Premier serviBlanche VogtFrance RocheGeneviève TabouisGermaine BeaumontHélène GossetJane MismeLouise WeissMarcelle AuclairMarcelle CapyMarcelle TinayreMarguerite DurandMarise QuerlinSimone TéryTitaÿnaViolette Leduc <p><img src="http://www.alamblog.com/public/couv_matot_site.jpg" alt="couv_matot_site.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="couv_matot_site.jpg, août 2019" /><br />
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<br />Auteur d'un petit essai consacré aux femmes antiféministes, puisqu'il y en a, Bertrand Matot donne cette fois une <em>Petite Anthologie des Premières journalistes</em>, où il additionne quelques-uns de ces vaillantes reportères, qui, après Olympe (de Gouges), Delphine (de Girardin) et Louise (Michel) participèrent à la grande effervescence de la presse. Au point que le fameux directeur du Paris-Midi, Maurice de Waleffe, se demandait avec un brin de provocation (mais un peu tard) : "<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k47295684/f1.image.r">La femme doit-elle écrire dans les journaux ?</a>" (<em>Paris-Midi</em>, 26 septembre 1932)<br />
Citer celles qu'a retenues l'anthologiste ne sera pas inutile : voici, stars mêlées aux presque inconnues, Séverine, Marguerite Durand, Jane Misme, Colette, Marcelle Tinayre, Marcelle Capy, Andrée Viollis, Simone Téry, Hélène Gosset, Titaÿna, Louise Weiss, Blanche Vogt, Marise Querlin, Cécile Brunschvicg, Marcelle Auclair, Germaine Beaumont, Geneviève Tabouis, France Roche, Violette Leduc.<br />
Au sujet de ces vaillantes petits soldats de l'Information, les travaux universitaires progressent à grand pas. Depuis une dizaine d'années, chaque saison voir paraître des essais consacrés aux journalistes de la guerre civile espagnole (Anne Mathieu), à Andrée VIollis (Alice-Anne Jeandel et Anne Renoult), à Cécile Brunschvig (Cécile Formaglio)... Ils prouvent avec les rééditions des unes et des autres qu'un pan entier de savoir refait surface, extirpé du papier brûlé des collections de presse des bibliothèques. C'est bon signe, d'autant que le web n'est pas en reste qui est devenu devenu profus en la matière, absorbant hardiment et recrachant tout ce que les livres promeuvent.
En rendant grâce à la <em>Marie-Claire</em> de Marguerite Audoux qui donna à Marcelle Auclair un titre solide (<em>Marie-Claire</em>), entendons la brillante <strong>Blanche Vogt</strong> en reprenant à notre tour ce que Bertrand Matot a trouvé sous la plume de Jane Casanova, collaboratrice de <em>Minerva</em> qui fit parler Vogt en février 1935 : <br /></p>
<blockquote><p>Toutes les femmes naissent journalistes. Bien avant la radio, elles avaient inventé le journal parlé. Mme de Sévigné n'était qu'une grande chroniqueuse. Pourquoi tant de nobles dames de l'Ancien Régime nous laissèrent-elles leurs mémoires ? C'est pour se consoler de n'avoir pu faire insérer leur petit reportage quotidien dans les journaux. Toutes les jeunes femmes qui ont le journalisme dans la peau finissent par voir leur copie publiée dans une feuille. C'est donc qu'une dame ne doit jamais se décourager quand elle enlève la plume de son chapeau pour la tremper dans l'encrier.<br /></p></blockquote>
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<strong>Bertrand Matot</strong> <em>Petite Anthologie des Premières Femmes journaliste</em>. - Bordeaux, l'Eveilleur, 226 pages, 17 €</p>http://www.alamblog.com/index.php?post/2019/08/30/Journalistes-aussi#comment-formhttp://www.alamblog.com/index.php?feed/atom/comments/4020Albert-Jean promuurn:md5:b7310abb7f53f60d7a79f7425a67ee702019-01-04T06:42:00+01:002019-01-04T14:52:19+01:00Le Préfet maritimeAlbert-JeanBlanche Vogt <p><img src="http://www.alamblog.com/public/.Albert-Jean_1934_m.jpg" alt="Albert-Jean 1934.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="Albert-Jean 1934.jpg, janv. 2019" />
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<blockquote><p>Parmi les nouveaux chevaliers, nous relevons avec un plaisir particulier les noms de notre brillante collaboratrice et amie Mme Blanche Vogt, dont nos lecteurs apprécient presque quotidiennement les chroniques lucides et coloriées, et à qui l'on doit des livres de qualité : <em>Amours socialistes</em>, <em>La Jeunesse de Claire Chamarande</em>, <em>0 ma banlieue</em>, etc. ; d'Albert-Jean, qui disperse des contes dans tous les journaux, des pièces dans tous les théâtres, et qui a aussi publié un certain nombre de romans: <em>Bouillotte et Jérémie</em>, <em>Le Besoin d'aimer</em>, <em>La Dame aux écailles</em>, <em>La Ville de joie</em>, <em>La Voilée de larmes</em>, <em>Une rose à la main</em>, etc.<br /></p></blockquote>
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<em>Comoedia</em>, 1er janvier 1934</p>http://www.alamblog.com/index.php?post/2018/11/13/Albert-Jean-promu#comment-formhttp://www.alamblog.com/index.php?feed/atom/comments/3673Blanche Vogt ne fume point (en marge de Cachées par la forêt)urn:md5:dc4fef020231d7fadff6c913bf38fe2c2018-12-25T01:51:00+01:002018-12-27T14:39:24+01:00Le Préfet maritimeBlanche VogtCigaretteClub des Dames intellectuellesClub fémininFéminisme problématiqueMme AschbergOdette DulacTabacYvonne Netter <p><img src="http://www.alamblog.com/public/.YvonneNetter2_m.jpg" alt="YvonneNetter2.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="YvonneNetter2.jpg, déc. 2018" />
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De George Sand au snobisme, ou la folie malodorante du tabac<br />
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La charmante artiste Odette Dulac m'écrit pour me conter une visite qu'elle vient de. faire chez les Dames intellectuelles. Vous avez deviné qu'il s'agit d'un club. Ce club est né des généreuses inquiétudes conjuguées de Mme Aschberg, femme du consul supérieur de. Suède, et de Me Yvonne Netter.<br />
Le club qui donne à déjeuner pour six francs est un des rares clubs féminins qui aient un domicile. Il loge au quatrième étage d'un immeuble du boulevard Montmartre.<br />
Sur l'initiative de Me Yvonne Netter, Odette Dulac s'en fut donc prendre une tasse de thé au Foyer-guide féminin. Hélas ! dès l'entrée, notre amie se sent noyée dans une poussée de gaz asphyxiants. Elle tousse ; elle pleure ; elle suffoque ; mais comme elle est brave, elle traverse tout de même le nuage odorant. M* Yvonne Netter vient gentiment à la rencontre de l'arrivante.<br />
— Mon Dieu, ce club est une tabagie ! remarque Odette Dulac. Vous admettez donc les fumeurs de pipe ?<br />
- Oh ! pas du tout, répond Yvonne Netter, nous sommes entre femmes.<br />
C'est l'heure de. la cigarette, et voilà tout !<br />
— On fumait partout, me rapporte Odette Dulac, non seulement dans la salle à manger en prenant le thé, mais aussi dans le salon en bavardant, dans la bibliothèque en consultant les journaux. Je demandai le petit coin des non-fumeuses. On me répondit par le plus courtois, mais le plus étonné des sourires. Et Yvonne Netter, désolée, mais aux prises avec les réalités de la vie et du club, me conseilla gentiment de ne plus revenir si vraiment la fumée de tabac me fait quelque effet fâcheux.<br />
— Elle m'intoxique, lui dis-je, et elle fait puer mes fourrures !<br />
- Quelle horreur !<br />
- Oui, pour sûr, c'est une horreur ! Je préfère fleurer mon parfum choisi !<br />
— Quelle horreur, ma chère, de parler comme vous le faites ! Vous pensez bien qu'ici, où les femmes sont reines et tout à fait entre elles, notre directrice ne va pas leur imposer de s'arrêter d'en griller plusieurs !<br />
« Depuis ce jour-là, conclut Odette Dulac, je me représente les « travailleuses intellectuelles », le stylo dans une main et le rouleau de « caporal » dans l'autre ! »<br />
— Ma chère Odette Dulac, c'est George Sand qui a commencé. En fumant autant que cette grande patronne des lettres féminines, les romancières de ce temps s'imaginent, sans doute, attraper un peu de son talent. Et d'une! Et puis il y a aussi une question, sinon de snobisme, du moins d'émulation. Une femme qui ne fume pas se fait remarquer. Pour une qui y trouve vraiment du plaisir, comme Lucie Delarue-Mardrus qui s'en fera mourir, combien d'autres qui ne fument que pour faire de ravissants petits gestes de marionnettes ! Il paraît que la cigarette fait valoir la main et l'ongle, et, naturellement, la bouche. Comme les femmes soufflent et rejettent la fumée dès qu'elles l'ont tirée de l'herbe à Nicot, elles s'imaginent que le mal n'est pas grand ni pour les dents ni pour la gorge, ni pour l'oeil, ni pour le cœur, ni pour la voix. Vous me dites, chère Odette Dulac, qu'après le tabac le baiser d'amour ne peut pas gagner en volupté. C'est peut-être qu'une femme qui occupe sa bouche à fumer se console ainsi de ne savoir l'employer autrement.<br />
C'est peut-être aussi qu'avec le féminisme triomphant nous trouvons prétentieux et exagéré qu'un monsieur qui sent le cigare refroidi ose exiger de sa compagne une bouche pure.<br />
Pour finir, laissez-moi vous conter une petite aventure bien moderne, laquelle vient d'arriver à une dame de ma connaissance. Denise fume dans la rue,.. Pas dans n'importe quelle rue... Mais tenez, Denise ne manque point d'allumer son tabac fin dès qu'elle a franchi les chevaux de Marly, en tournant le dos à l'Obélisque. L'avenue des Champs-Elysées est excellente, parait-il, pour, les dames qui fument en marchant. Là, la cigarette de Denise sème un petit parfum de curiosité ; mais point d'odeur de scandale.<br />
Hier, comme Denise tirait sur son « Abdullah », un pauvre bougre vint à passer, un homme qui n'est pas de ceux que Denise a l'habitude de fréquenter. Cet homme suçait un mégot froid. Il aperçut Denise plus fumante qu'une cassolette, Alors, voilà l'homme qui s'amène d'un pas désenchanté vers l'élégante.<br />
- Du feu. dit-il<br />
Eh bien ! Denise ne recula pas. Elle tendit son fume-cigarette d'écaille. Elle l'approcha. Et le gueux emprunta à cette braise de luxe un peu d'ardeur pour son débris impur. Et voilà ce que peut réaliser la sainte fraternité des fumeurs !<br />
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Blanche Vogt.<br />
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<em>Comoedia,</em> La Femme et le Monde. Manies du jour, 30 novembre 1933.
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Illustration du billet : Yvonne Netter (Photo G.-L. Manuel frères).<br />
<br /></p>http://www.alamblog.com/index.php?post/2018/12/24/Blanche-Vogt-fume#comment-formhttp://www.alamblog.com/index.php?feed/atom/comments/3742Blanche Vogt dîne chez le bistro (En marge de Cachées par forêt)urn:md5:2e522de7369207f3f5c8e757b9e73dc62018-12-24T09:59:00+01:002018-12-27T12:05:55+01:00Le Préfet maritimeBistroBlanche Vogt <p><img src="http://www.alamblog.com/public/.LaboureurBistro_m.jpg" alt="LaboureurBistro.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="LaboureurBistro.jpg, déc. 2018" />
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<strong>Faut-il dîner chez le bistro ?</strong><br />
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C'est, dit-on, la faute à la crise. Les bistros sont à la mode.<br />
— Qu'est-ce qu'un bistro ? Sans aller en requérir à Francis Carco, nous savons qu'un bistro, c'est un restaurateur à l'usage du brave monde ouvrier. Si bistro vient de bistre, ça veut dire que c'est un établissement couleur sale. Entre nous, le mot ne me ferait pas tellement peur, si je ne voyais le bistro sous l'apparence d'un comptoir habillé de zinc, sur lequel se pressent des verres d'eau de mort.<br />
J'allais donc dîner chez Marise qui m'apprit :<br />
— N'enlève pas ton manteau. On sort : on dîne chez le bistro !<br />
Et elle ajouta tout de suite :<br />
- Un bistro qui fait un lapin étonnant. Et tu sais, on mange dans de grosses assiettes de faïence, à même le marbre de la table.<br />
— Comme au lycée ! Ça est si froid aux mains et même à l'œil, le marbre !<br />
Je comprends le marbre devenu dieu ou cuvette, ou plutôt piscine ; mais le marbre-table devrait être réservé aux sacrificateu'rs du siècle pour exposer leurs victimes.<br />
— C'est amusant au contraire ; tu nous ennuies avec ta littérature et tes dégoûtations. Allons-nous en ; tu auras l'occasion de faire, en dînant chez mon bistro, quelques études de mœurs. Et il y a un petit beaujolais !<br />
- Mais Marise, tu n'es pas habillée - moi non plus — pour nous asseoir chez ce simple fricoteur.<br />
— Nous allons au Casino de Paris après le repas. Alors tu comprends ? Au surplus, jusqu'ici, les gens qu'on frôle là-dedans sont des travailleurs et beaucoup moins grossiers qu'on le dit. Quand on aura « lancé la boîte », Ça changera. On y verra des gens du monde. Pourquoi prends-tu cet air de moraliste ?<br />
- Marise, est-il bien honnête d'aller s'asseoir au banquet de ceux qui peuvent tout juste consacrer cinq ou sept francs à leur repas ? Si la mode s'en répand abondamment cet hiver, l'invasion des gens qu'on dit « bien » va ravager l'état moral des bistros. Le prix des portions ira augmentant. Ta présence mondaine en cette salle à manger banale est en quelque sorte un danger social.<br />
— Je n'ai pas le droit, en République, d'aller manger des moules ou du gras-double avec dés terrassiers ?<br />
— Tu auras ce droit quand tu seras terrassière.<br />
— Seigneur ! écoutez-la, cette espèce de disciple d'Aristote. Tu vas certainement encore nous parler du « juste milieu » !<br />
- Oui, Marise, car il faut bien en revenir là. Le défaut social, le manque de vertu civique, c'est l'excès, aujourd'hui le snobisme. Quand tu buvais trois cocktails par après-midi, tu ne gâchais que ta santé ; puisque tu ne veux plus être mère. En allant troubler par ta présence les âmes simples et dévorer le ragoût des humbles, tu obéis à un sentiment équivoque : est-ce le désir de dépenser peu ou celui d'étonner le pauvre monde ? En tout cas, cette frénésie pour le bistro ne me parait point noble du tout.<br />
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Blanche Vogt<br />
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<strong>Comoedia</strong>, rubrique La Femme et le Monde. Petits problèmes parisiens?<br />
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<br /></p>http://www.alamblog.com/index.php?post/2018/10/12/Blanche-Vogt-dne-chez-le-bistro#comment-formhttp://www.alamblog.com/index.php?feed/atom/comments/3662En marge de Cachées par la forêturn:md5:beaebd5d8bc8878ab4b1d0c6a97e76072018-11-26T00:42:00+01:002018-11-26T00:42:00+01:00Le Préfet maritimeLes Vrais Coupe-FaimBlanche Vogt <p><img src="http://www.alamblog.com/public/.Blanche_Vogt_m.jpg" alt="Blanche Vogt.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="Blanche Vogt.jpg, nov. 2018" />
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En marge de <em>Cachées par la forêt, 138 portraits de femmes de lettres oubliées</em> (La Table ronde, 2018), nous allons publier dans les semaines qui viennent, quelques morceaux des notes accumulées qui méritent peut-être d’être vues par tous.<br />
Pour commencer, l’une des femmes de lettres qui nous paraissent le plus dignes d’être étudiées, Blanche Vogt.<br />
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<blockquote><p>Parmi les nouveaux chevaliers, nous relevons avec un plaisir particulier les noms de notre brillante collaboratrice et amie Mme Blanche Vogt, dont nos lecteurs apprécient presque quotidiennement les chroniques lucides et coloriées, et à qui l’on doit des livres de qualité : <em>Amours socialistes</em>, <em>La Jeunesse de Claire Chamarande’', </em>0 ma banlieue'', etc.<br /></p></blockquote>
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<br /></p>http://www.alamblog.com/index.php?post/2018/10/16/Blanche-vogt#comment-formhttp://www.alamblog.com/index.php?feed/atom/comments/3674De la misogynie dans les lettres (2)urn:md5:07b557005f65ade202692816b17a97fb2018-07-26T01:58:00+02:002018-07-26T01:58:00+02:00Le Préfet maritimeBlanche VogtRené Bizet <p><img src="http://www.alamblog.com/public/.KupkaLecture_m.jpg" alt="KupkaLecture.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="KupkaLecture.jpg, juil. 2018" /><br />
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<blockquote><p><strong>Timide essai de réhabilitation des femmes de lettres</strong><br />
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Une romancière peut-elle aimer son mari, ses enfants et faire la cuisine ?<br />
Un jour, une enquêtrice impitoyable posa à René Bizet cette question :<br />
— Epouseriez-vous une femme de lettres ?<br />
Et René Bizet de répondre — Dieu sait cependant si ce confrère est pourvu d'un cœur délicat :<br />
— J'épouserai une femme de lettres quand je voudrai que tout le monde sache comment je fais l’amour !<br />
Ce mot féroce. d'un mâle sensible vous prouve à quel point les hommes nourrissent des idées préconçues sur les femmes de lettres.<br />
Aucun genre de travailleuses sociales — Mesdames — n'est jugé plus sévèrement par l'espèce humaine. Et cependant !<br />
J'étais l'autre soir chez une jeune femme exquise qui, comme moi, gagne sa vie avec son stylo inspiré.<br />
Je l'ai trouvée encadrée de deux adorables gosses. Charlotte — elle s'appelle Charlotte comme une héroïne de Werther et Rabette par surcroit — Charlotte a trouvé le temps d'être maman. Maman, cela ne serait pas un litre original en somme, mais ce qui l'est bien, c’est que cette femme de lettres est une éducatrice : une toute moderne Mme de Genlis.<br />
Je l'observais sans avoir l’air, car je m'y connais un peu dans ce difficile métier. Les mères abondent, mais les mères éducatrices, il n'en est pas à la douzaine, comme chacun sait. C'est un état où la bonne volonté d'une femme ne se maintient pas longtemps. Et quand j'aurai dit que Charlotte mène de front la conquête d’un mari exigeant et celle de ses deux petites filles, je ne sais pas si je me serai fait assez comprendre.<br />
Les petites filles de Charlotte sont heureuses de vivre. Elles ne pleurent jamais. Tous les jours sont de beaux jours pour elles, car la mère est ardente à comprendre le trésor secret de. ces âmes d'enfants.<br /></p></blockquote>
<p>Ecoutez cette mère éducatrice :<br /></p>
<blockquote><p>« Joëlle ne ment pas. Elle arrange la vérité pour la rendre drôle, parce que la vérité n'est pas drôle, n'est jamais assez drôle pour une Joëlle. »<br />
Que de drames, que de révoltes, que de peines infinies d’enfants n'ont pour cause que, celle grande raison : « Maman ne me comprend pas »<br />
Ecoutez encore :<br />
« On pourrait, par la simple étude des mots inventés par un enfant, dire son caractère. Toute la psychologie de l'enfant est dans les mots qu'il crée. » Même élevés par les mêmes cœurs, pas un enfant ne ressemble à un autre.<br />
Charlotte, qui n'est pas une éducatrice issue de Sorbonne, sait cela.<br />
« A l’âge où Joëlle réclamait à manger en criant : Marmangé (un mot inventé par la fillette, mot digne de Gargantua, mot évocateur de franches lippées) Danie, sa soeur, assise entre papa et maman, demande à chacun une main et les tenant bien serrées contre elle, dit simplement :<br />
— Amour !<br />
"Et ce fut tellement grave, tellement beau, ce mot prononcé pour la première fois par cette, bouche de bébé que des larmes se confondirent dans les mèches blondes.<br />
Mais, vous qui rêvez d'être des mères inspirées tout en demeurant l'amoureuse de l'époux, lisez donc ce livre étonnant, suggestif, révélateur, ce que j'ai trouvé de mieux jusqu'ici comme manuel d'éducation maternelle : Nous, Mamans, par Rabette (1).<br />
Et maintenant, je me replonge dans l'ambiance de cette soirée bénie. Les enfants couchées, nous nous mîmes à table. Charlotte, qui est une érudite cuisinière avait, pour nous, inventé des plats.<br />
Son mari avoua sans ménagements qu'il ne s'en sentait pas pour la crème de crevettes.<br />
Il était fameux cependant, ce potage. Et voilà qu'au lieu de dire, — comme 999 maîtresses de maison sur mille n'y auraient point failli :<br />
— Mon ami, tu n'y entends rien !<br />
Charlotte enchaîna simplement :<br />
— Mon chéri, j'ai composé ce potage en pensant à mes invités ; mais ensuite, il y a un pilaff que j'ai confectionné en pensant à toi !<br />
Et moi qui écoutais, cela, je n'étais pas sûre, ce soir-là, que le service des lettres n'aide — en dépit des calomniateurs — à la pénétration subtile des êtres, de ceux qui ouvrent leurs yeux neufs sur la vie et de. ceux qui se croient très avertis parce qu’ils ont beaucoup rêvé.<br />
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<strong>Blanche Vogt</strong><br /></p></blockquote>
<p><em>Comoedia</em>, 8 mars 1934.<br />
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(1) Charlotte Rabette, <em>Nous, mamans</em>. — Paris, E. Flammarion, 1933.<br />
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Illustration du billet : Kupka, Le Bibliomane, 1897.<br />
<br /></p>http://www.alamblog.com/index.php?post/2018/07/06/De-la-mi#comment-formhttp://www.alamblog.com/index.php?feed/atom/comments/3579