L'Alamblog - Mot-clé - Giovanni Papini2024-03-28T12:57:47+01:00Le Préfet maritimeurn:md5:891a4437ffb56035bcdd99ce6fc8c9f0DotclearL'homme-singe dégénéré (Filadelf Gorilla)urn:md5:ea1a54a55f0f27aa074cfe023decebf22010-03-04T05:28:00+01:002010-03-05T17:29:30+01:00Le Préfet maritimeLes Lacunes de l’AlamblogFiladelf GorillaGiovanni PapiniH.-J. MagogLivreParisSinge<p><img src="http://www.alamblog.com/public/chiromonkey.jpg.gif" alt="chiromonkey.jpg.gif" title="chiromonkey.jpg.gif, mar. 2010" /> <em>J.-L. Faure, Chiromonkey</em><br />
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<br />
En 1893 paraissait à l’enseigne des éditions H. Jouve un opus qui semble le fruit des avancées de la science et des sarcasmes d’un citoyen : <em>L’homme-singe dégénéré : notes et impressions d’un singe à travers le monde ancien et moderne</em> (XII-316 p.). Ce n’est pas la moindre des curiosités.<br /></p>
<p>Son auteur, recouvert du masque d’un pseudonyme poilu, philanthrope et musqué, <strong>Filadelf Gorilla</strong>, est resté anonyme, apparemment.<br />
Malgré nos recherches, nous n’avons trouvé aucun élément permettant d’identifier le scabreux individu. Et s’il a un jour été dénoncé à la notoriété, c’est dans un lieu, une feuille, un livre dont nous n’avons toujours pas connaissance. Nous entendrons avec plaisir toute information qui pourrait nous être communiquée et vous la livrerons sans délai, bien sûr.<br /></p>
<p>Pour l’heure, cette note de lecture issue de <em>La Nouvelle Revue</em> (1893, p. 893) :</p>
<blockquote><p>Aimable fantaisie de beaucoup d’esprit qui se sert volontiers de la forme humoristique pour faire entendre aux lecteurs des vérités assez dures sur les hommes et les choses du temps présent.<br /></p></blockquote>
<p>Voilà qui ne nous avance pas beaucoup. Néanmoins, gage de notre intérêt, ces quelques citations pêchées dans l’ouvrage, l’épigraphe tout d’abord qui donne le ton :</p>
<blockquote><p>Plus le singe monte haut, plus il montre son derrière<br />
proverbe allemand<br /></p></blockquote>
<p><br />
Satire sans doute, il est des pages frottées d’âneries gratinées qui nous ont tout naturellement fait songer à celles qui feront la gloire de Marinetti :<br /></p>
<blockquote><p>La mort à la guerre, c’est la mort la plus poétique, la plus belle, la plus souhaitée.<br />
Là, en pleine nature, dans l’air frais, grisés par l’enthousiasme, par les sons des marches et par les clairons, enivrés jusqu’au profond de l’être par l’ardeur de la poudre et de la fumée, pleins d’orgueil et d’amour-propre, fiers de tomber sous les plis du drapeau de la patrie, de cette grande Patrie, qui renferme tout ce qu’il y a pour nous de plus cher au monde, vous recevez en pleine poitrine une balle et sans même un râle vous expirez contents d’avoir servi votre pays, la terre de vos aïeux.<br /></p></blockquote>
<p><br />
Il est difficile de s’en tenir au premier degré cependant et nous vous livrons, pour vous en faire une idée quelques chapitres choisis qui n’empêcheront personne de penser au <em>Gog</em> de Papini, et aux romans de l’homme-singe, tel le fameux <em>Homme qui devint singe</em> de Magog (éditions cosmopolites, 1930).
L’enquête se poursuit…<br />
<br />
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<br /></p> <p><strong>AVANT-PROPOS</strong><br /></p>
<p><em>Le livre d’un singe</em> ! Je vois déjà le mépris qui se dessine sur vos lèvres, ô lecteur ! Mais excuse ? si je plaide ma cause !… Est-ce un « livre » ce qu’on écrit dans les rues, les boulevards, sur les bancs des squares, sur les tables des brasseries, sur la rampe des ponts ? Est-ce encore un « livre », dans le sens que vous, hommes, attachez à ce mot, que ces mauvaises notes crayonnées à tous les carrefours, à la hâte, à l’improviste, prises au vif comme des instantanés par un mauvais photographe !… Appellerez-vous enfin un « livre», ces papiers épars, ces brouillons, toutes ces notes, enchevêtrées les unes dans les autres,
sans cohésion, comme des esquisses d’un album d’artiste…<br /></p>
<p>Non, cher lecteur, soyez indulgent et pensez de plus que ces notes sont l’œuvre d’une bête, d’un animal hideux, ignorant, détestable et sauvage, d’un singe poilu et malpropre, qui n’a été élevé ni dans vos Alma Mater, ni dans la Sorbonne, ni dans vos grandes institutions européennes…<br /></p>
<p>Ne soyez pas injuste envers une pauvre bête déshéritée qui vit en plein air, qui flâne partout où l’emporte le courant de la foule de cette grande capitale et ne fait qu’attraper par bribes les événements du jour et les questions qui agitent le monde. Elle ramasse ce qu’elle trouve dans l’air, dans l’atmosphère de ce grand Paris, de cette fournaise gigantesque où se forgent et se manient les idées les plus vastes, les projets les plus grandioses, ce fourneau du monde — Vulcain — fin de siècle, d’où l’on extrait des minerais et des scories qu’on y avait jetés, les métaux précieux et l’or le plus pur et le plus brillant… C’est le singe qui vient de Guinée, c’est la bête qui abandonne ses forêts sauvages et ses arides plaines et entre dans cette atmosphère pleine d’électricité, qu’il absorbe comme un accumulateur, qui ressent cette profonde et large respiration de ce poumon du vieux monde…<br /></p>
<p>Ah, que voulez-vous ? Ce Paris, il n’y en a pas un autre, il n’y a eu jadis qu’Athènes, il n’y a que Paris de nos jours !<br /></p>
<p>On construit de plus grandes, de plus riches, de plus brillantes capitales ailleurs, J’en ai vu déjà. Mais lorsqu’on les a visitées et qu’on a admiré leur beauté, on se presse de partir… On n’y est pas chez soi. Paris n’est pas dans le monde, le monde est dans Paris.<br /></p>
<blockquote><p>Ici le monde et là Paris ; c’est l’équilibre !<br /></p></blockquote>
<p>a déjà chanté le lion exilé de notre siècle.<br /></p>
<p>Le premier jour que je mis pied à terre sur ce sol si aimé des Muses, mon émotion était si grande que j’en avais les yeux mouillés… Voilà un singe bien naïf ! Je ne savais moi-même pourquoi cette émotion. Machinalement j’étendis le bras dans le café où je me trouvais et je pris un journal. C’était le <em>Figaro</em>. Mes yeux tombèrent sur l’article de fond. Il s’intitulait “L’Artisan”. Voici ce qui était écrit :</p>
<p>« Quelle est puissante la fascination de ce Paris, Paris prodigieux et terrible Paris, sur les adolescents en qui parlent confusément de grands désirs ! De quel tressaillement profond et de quelle angoisse s’émeut le cœur, lorsque, après la fièvre de l’attente et du voyage, soudain l’énorme ville grise apparaît aux yeux et que retentissent les magiques syllabes, banalement créées sur les quais d’arrivée !…<br /></p>
<p>« Sitôt après, c’est la lutte isolée et la noire, l’abominable misère des villes ; l’oisiveté forcée, peuplée de rêves douloureux, la marche errante et affamée dans le flamboiement des rues ; les esprits haletants et les tendres amitiés avec les frères de la mauvaise étoile ! »<br /></p>
<p>Oh, que c’était vrai et poignant à la fois que tout cela ! Comme il touchait juste sur la plaie ce fer brûlant ! Que j’ai depuis éprouvé l’écrasante réalité de ce dernier paragraphe !<br /></p>
<p>Oui, tu as passé, pauvre singe, par toutes ces déceptions, ces hallucinations, ces ivresses, ces fièvres qui nous réduisent en peau et en os, en squelettes ! Mais si c’était la fin, le terme au moins après tant de désillusions et d’espoirs déçus !…<br /></p>
<p>Oh ! non, malheureusement la lutte ne fait que s’engager de plus en plus sanglante tant qu’on pénètre dans le sein d’airain de la société, tant qu’on s’approche de plus près du flanc de plâtre de ce bigarre et grotesque, capricieux et malin, méchant et grognon vieillard qu’on appelle la « foule »…<br /></p>
<p>Il ne faut pas pourtant se désespérer ; au contraire : cette lutte me fortifie et me donne du courage.<br /></p>
<p>Le dicton que j’estime le plus ce sont ces trois mots latins :<br /></p>
<p>« Audaces fortuna juvat. »<br /></p>
<p>En avant ! Tant qu’on a le sang dans les veines et le feu dans la machine, qui nous sert de locomotive sur le sol aride de la terre il faut ne pas reculer, ne céder le pas devant aucun obstacle !<br /></p>
<p>Tous ont passé par là. J’invite seulement la jeunesse à m’offrir son secours ; il y a des brouillards et des ténèbres qui nous entourent et qu’il faut percer et franchir. Son œil brillant et vif est bien propice pour conduire et pour montrer le chemin du vrai et de la lumière !<br /></p>
<p>Qu’elle oublie pour quelques heures seulement ses papillons folâtres qui la distraient et l’enivrent !…<br /></p>
<p><em>Les temps sont difficiles</em> ; sous cette gaie rubrique du sarcasme d’un Forain, il y a assez de venin et d’amer poison !…<br /></p>
<p>Je l’invite à ce temps oh le sol semble trembler et fuir sous les pieds des grands, je l’invite à ces jours de trouble et de doute où les statues les plus solides et brillantes semblent avoir des pieds d’argile et s’écrouler au premier choc, comme celle d’airain qu’avait rêvée jadis le roi de Chaldée.<br /></p>
<p>Il y a trop d’électricité et de matières explosibles dans le souterrain pour dormir sur des roses, ô jeunesse séquanaise !<br /></p>http://www.alamblog.com/index.php?post/2010/01/22/L-homme-singe-d%C3%A9g%C3%A9n%C3%A9r%C3%A9-%3A-lard-ou-cochon#comment-formhttp://www.alamblog.com/index.php?feed/atom/comments/1238Résurrection du Papini anarchisteurn:md5:a04a87bc3be95f1ad9d14b355a9aefe72007-11-05T07:10:00+01:002017-08-29T10:31:04+02:00Le Préfet maritimeAd Usum BibliofilousAntonio AnianteGiovanni Papini <p><img src="http://www.alamblog.com/public/sc0000de82.jpg" alt="sc0000de82.jpg" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" /><br /> <strong>Est-ce une résurrection du Papini anarchiste ?</strong><br /><br /><br /></p>
<blockquote><p>Mussolini demande souvent des nouvelles de Papini : — Que fait Papini ? Que pensez-vous de Papini ? Ses livres vous intéressent-ils ?<br />Papini est une des personnalités qui intéressent le plus Mussolini.<br />AU début de sa carrière, c'était un révolutionnaire déchaîné, un de ces futuristes qui allaient jusqu'à tirer des coups de revolver dans les théâtres. Ensuite, il s'est désarmé : on l'a vu humble comme un saint lorsqu'il eut embrassé la foi chrétienne ; maintenant on dirait qu'il a repris les premières armes de sa terrible critique du monde et il publie chez Vallecchi de Florence, <em><a href="http://www.alamblog.com/index.php/post/2007/03/22/312-gog">Gog</a></em>, bréviaire du pessimisme.<br /><br />***<br />Je n'entends pas analyser ce livre, je laisse ce soin à M. Marcel Brion. Je désire seulement signaler le scandale que ce livre a soulevé en Italie. <em>Gog</em> est sorti depuis quinze jours à peine, et déjà des fleuves d'encore ont coulé dans les journaux et les revues de toutes opinions. Jeunes et vieux critique en sont devenus furieux.<br />Pietro Pancrazi, écrivain très distingué et fin critique florentin qui dirige avec Ugo Ojetti la revue <em>Pegaso</em>, ami intime de Papini, a donné le <em>la</em> dans le <em>Corriere della Sera</em>, en dénonçant la résurrection d'un Papini anarchiste tel qu'on le vit au temps de <em>Lacerba</em>. Piero Nardi continue cet acte d'accusaion dans l<em>'Italia Litteraria</em>, le plus important journal de lettres italien, dirigé par Curzio Malaparte et par G. B. Angioletti. On attend maintenant l'appréciation de MM. Lorenzo Giusso, Sergio Solmi, Giacomo Debenedetti, et d'autres jeunes critiques, afin de savoir si la nouvelle réincarnation de Papini est acceptable, c'est-à-dire si la réconciliation du diable avec le Pape est possible.<br /><br />***<br />Florence a donné, à travers les siècles, des poètes, des philosophes, des penseurs, des historiens, et des peintres, ou très calmes ou très diaboliques. Quel poète a été plus heureux et plus tranquille que Booccaccio ? Mais qui a été plus inquiet que Dante Alighieri ? On sait que beaucoup de Toscans naquirent et vécurent possédés du diable. N'oublions pas que Florence a été le théâtre de toutes sortes de guerres. Ses citoyens sont des hommes sans paix ; si on leur enlève une tranquillité toute extérieure, il ne leur reste que tourments sans fin, mais le feu est bien couvé par la cendre. Florence a un aspect très doux, très charmant de ville solitaire, riche de fleurs, de tristesse, elle est en même temps très aristocratique. Les étrangers s'y ennuient ; un beau prince turc s'y suicida même, n'y trouvant aucune distraction. Et penser que Florence commence les révolutions et les chapitres de l'art dans chaque siècle ! Ce sont les Toscans qui, aujourd'hui, ont en mains, pour une grand partie, les guides de l'Etat, et ils les tiennent avec beaucoup d'honneur. Ce sont des factieux qui descendent souvent des belles collines de Dante et se précipitent à Rome lorsqu'il leur semble nécessaire de remettre de l'équilibre dans la vie de l'esprit.<br /><br />***<br />Papini, de Florence, grandit parmi eux et lança pas mal de pierres dans les fenêtres de la bourgeoisie. Son fraternel ami Giuseppe Prezzolini lui apprit à connaître les beaux livres dans le fameux cénacle du café des <em>Giubbe Rosse</em>, et lui enseigna le latin ; autodidacte à vingt-cinq ans, il fut célèbre et tranchait sur toutes choses. Le feu animait ses paroles, et il réveilla l'enthousiasme de sa génération. Nietzschéen, pendant un certain temps, il ne tarda pas à foudroyer le Surhomme ; pragmatiste, il s'empressa de détruire James ; bergsonien, il n'en voulut pas moins jeter à la mer l'immortel auteur de l<em>'Evolution créatrice</em>. Papini suivit toutes les routes, employa tous les systèmes, et tous, les uns après les autres, les renia. Quand il parlait de Nietzsche, toute l'Italie était nietzschéenne ; lorsqu'il introduisit le pragmatisme, tout le monde voulait lire James. Et quand il fut bergsonien, il ne pouvait que conquérir à Bergson de nouveaux disciples en foule. Il s'éloigna même de ce Futurisme auquel il avait adhéré avec enthousiasme, participant à cent batailles aux côtés de Marinetti. Un jour, en fin, il publia son meilleur livre : <em>Un homme fini</em> ; il y confessait le grand vide qui s'était glissé dans son âme ce vide qu'il avait porté jusqu'à la gloire.<br /><br />***<br />La guerre venue, Papini atteint d'une forte myopie, devint solitaire, se confina chez lui et y travailla ; un philosophe triste, mécontent tel que lui, ne pouvait pas participer au conflit mondial, même s'il avait été apte au combat. Le Fascisme fit son apparition, aussitôt la fin de la grande guerre. Mais, tout comme autrefois, Papini se concentra en lui-même, plus désolé que jamais dans son petit pays, (illisible) di Santo Stefano, avec sa femme et ses enfants, en cultivant son petit domaine. L'Italie s'armait pour détruire le bolchevisme, et Papini, gaillard de deux mètres de haut, tombait de toute sa hauteur au pied du Christ. Son oeuvre d'écrivain catholique comprend <em>La Vie de Jésus</em>, <em>Les Vignerons</em>, <em>Saint-Augustin</em>.<br />Il a écrit ces livres, avec la même désinvolture admirable qu'il avait mis, il y a quelque vingt ans, dans son oeuvre qui portait au ciel l'Antechrist. Tout ceci lui a fait gagner plusieurs millions dans le monde entier.<br /><br />***<br />Aujourd'hui, avec un même sans-gêne, il se retrouve semblable à celui d'il y a vingt ans, perdant la foi chrétienne qu'il avait acquise. Il l'abandonne en tombant dans le plus noir pessimisme, et il se retrouve dans les bras musclés de Schopenhauer. "Le pain, peut-être, ne reste-t-il que le pain comme unique nourriture de l'homme, comme unique vérité du monde. Je n'ai jamais goûté une saveur aussi riche et aussi suave que celle du pain. Est-ce vraiment le véritable aliment de l'homme et sa vraie vie ?" Ce sont les dernières paroles de son héros Gog. Elles sont remplies d'une infinie tristesse, et j'éprouve pour Paini une énorme peine. Cet écrivain, avec toute sa célébrité et tous ses millions, tout en restant jeune encore, se croit l'homme le plus blasé et le plus désolé de toute la terre. Il mord rageusement la poussière et pleure comme un enfant. Aujourd'hui, il sort comme un lépreux du temple de Christ où depuis quelques années, il priait agenouillé, pendant que ses éditeurs faisaient des affaires d'or en spéculant sur sa conversion ; il sort que son énorme face de Belzébuth, le nez coiffé d'un gros lorgnon, hurlant blasphèmes et injures contre la Mère Eglise et ses dogmes ; alors les critiques s'insurgent et les prêtre écument.<br />On l'accuse de mauvaise foi ; on affirme qu'il est un impénitent sophiste de génie ; d'autres cherchent à atténuer le ton polémique de leurs articles et quelques-uns de ses amis plus intimes essayent de le sauver de l'excommunication papale, écrivant que Papini n'est pas Gog ; ni ses idées, celles de son malheureux héros.<br />Il est certain que le scandale ne sera pas étouffé, ni ne se terminera par des articles dans les revues et dans les journaux. Papini revient sur la scène, mais je ne m'étonnerais aucunement que l'on jetât son corps idéal, je veux dire son esprit, sur le bûcher au même endroit que Savanarola, le rebelle, sur la Piazza della Signoria à Florence.<br /></p></blockquote>
<blockquote><p><br />Antoine ANIANTE<br /><br /></p></blockquote>
<p><br /> <em>Les Nouvelles littéraires</em>, 10 janvier 1931, p. 6.</p>http://www.alamblog.com/index.php?post/2007/11/04/Resurrection-du-Papini-anarchiste#comment-formhttp://www.alamblog.com/index.php?feed/atom/comments/634Un chapitre inédit de GOG, par Giovanni Papini (avant-première)urn:md5:5a18b46572a5ef2f70e5d760ff8c7f7a2007-03-22T00:06:00+00:002010-03-12T12:52:22+00:00Le Préfet maritimeDernier reçu Premier serviGiovanni Papini<p><img src="http://www.alamblog.com/images/papinigog.jpg" alt="" /></p>
<p>Annoncée depuis plusieurs mois, la nouvelle traduction intégrale de <em>Gog</em>, de <strong><a href="http://www.lekti-ecriture.com/index.php?2006/06/14/12-de-notre-envoye-special-a-magog">Giovanni Papini</a></strong> paraîtra dans les semaines qui viennent.<br />
<em>Le Nouvel Attila</em> a souhaité faire l’hommage d’un chapitre inédit aux lecteurs de l’Alamblog.</p> <blockquote><p><strong>Villes ultranouvelles</strong><br /></p>
<p>
<em>Capetown, 8 novembre</em><br /></p>
<p>
Qui a bien pu dire à M. Sulkas Perkunas que j’envisageais véritablement de créer une nouvelle ville ? À mon souvenir, je ne me suis jamais confié à personne. Et comment a-t-il fait, ce Lituanien fantastique, pour me découvrir au fin fond de l’Afrique du Sud où j’espérais être, enfin, incognito ?<br />
M. Sulkas Perkunas n’a pas voulu satisfaire ma curiosité. C’est un homme qui va sur ses trente ans, mais sombre et renfrogné comme un directeur de maison de force qui en aurait soixante. Dans son visage, rougi et tanné comme celui d’un planteur, s’ouvrent deux yeux bleu pâle, presque blancs, attentifs et sévères comme ceux des enfants pauvres. Grand, sec, mal habillé, couronné d’un gigantesque feutre gris, il m’aborda hardiment, alors que je rentrais à l’hôtel, et me demanda un rendez-vous pour un entretien qui, dit-il, ne souffrait nul délai. Je le fis entrer avec moi dans un petit salon. Je m’aperçus alors qu’il avait les cheveux blonds, et portait sous le bras un grand rouleau de cartes.<br />
« Je ne perdrai pas de temps en excuses superflues », commença-t-il. « Je m’appelle Sulkas Perkunas, et je suis projeteur urbain. J’ai commencé mes études, en Allemagne, comme architecte, mais me suis vite dégoûté d’un art qui se limite misérablement à des édifices isolés, esthétiquement asservis à ceux qui existent déjà. Je me suis aperçu que les vieilles villes, créées peu à peu par des cultures et des époques hétérogènes, étaient ridiculement polytonales et, quoi qu’on fasse, irréparables. Le temps est venu, selon moi, de la création totale et de la ville différenciée. Un architecte ne peut plus concevoir un temple ou un palais à soi, destiné à s’insérer dans des complexes anciens, mais seulement une masse compacte de constructions, inspirée par un concept unitaire et révolutionnaire. Que diriez-vous d’un poète moderne qui voudrait introduire un de ses vers dans un chant de l’Iliade ou une scène de son invention au milieu d’un acte de Shakespeare ? C’est pourtant une absurdité de ce genre que l’on demande aux architectes modernes, et que ceux-ci exécutent lâchement.<br />
Je n’ai pas l’intention de vous proposer les plans d’une villa, d’un théâtre, d’une banque ou d’un kursaal. Cela est du ressort des architectes traditionnels, sans conscience et sans style. Je vous offre, au contraire, des projets de villes entières, différentes de tout ce qui existe. Vous seul, à mon avis, pouvez comprendre la nouveauté de mon art et vous résoudre à en choisir une pour la construire vraiment.<br />
Tous ces assemblages de maisons éparses de par le monde, qui se parent du nom de ville, sont, sous une certaine patine, d’une uniformité dans le désordre qui fait enrager. Aucune d’elle n’a été imaginée par l’esprit synthétique d’un génie, comme une œuvre d’art, et exécutée avec fidélité spirituelle pour incarner une idée dans la pierre. Ce ne sont la plupart qu’agrégats monstrueux dus au hasard et aux caprices des générations, obéissant aux nécessités ordinaires de l’odieuse vie communautaire. De partout des grands bâtiments avec portes et fenêtres, alignés au mieux — amas de plâtras habités, qui peuvent plaire aux aquafortistes, aux décadents ou aux spéculateurs, mais font honte à qui possède un sens plus délicat de la dignité humaine…<br />
— Excusez, l’interrompis-je, j’ai entendu assez de théorie pour l’instant. Vous avez parlé, il me semble, de projets…<br />
— Les voici, répondit sans sourciller Sulkas Perkumas Je ne peux, malheureusement, qu’esquisser en peu de mots les concepts les plus susceptibles de vous tenter. Je puis vous proposer, par exemple, une ville sans maisons mais entièrement composée de tours et de campaniles, une forêt de fûts orgueilleux de pierre et de brique. Ou bien, si cela vous plaît davantage, une ville constituée d’un seul édifice : un palais gigantesque d’un mille de côté, avec des galeries infinies, des couloirs et des promenades immenses, des escaliers et des paliers innombrables et de vastes proportions, des cours et des souterrains bien répartis, de manière à pouvoir abriter, sous son toit unique et démesuré, des dizaines de milliers d’habitants.<br />
» Mais peut-être la ville entièrement faite de maisons très hautes, sans portes ni fenêtres, vous conviendra-t-elle davantage. Les entrées des habitations sont des trappes qui s’ouvrent au niveau du sol et les pièces reçoivent la lumière par en haut ou par des fentes dans les parois opposées aux façades. Les rues, dans cette ville, seraient de longs couloirs entre des murailles nues, toutes blanches ou, si vous préférez, peintes à fresque par des artistes visionnaires jusqu’au niveau du toit.<br />
» Ou désirerez-vous, plutôt, la Ville de l’Égalité Parfaite ? Cette dernière est formée de milliers de maisons absolument identiques : même hauteur, même style, même couleur, même nombre de fenêtres et de portes. L’ensemble peut paraître un peu monotone mais l’effet est impressionnant — sans compter la valeur symbolique qui saute aux yeux, annonciatrice de l’idéal de l’époque.<br />
» Mais au cas où la Ville de L’Égalité ne vous intéresserait pas, je peux vous en offrir une autre, bien plus originale : la Ville Invisible. Qui la regarderait de loin ne se douterait pas de son existence : il ne verrait que de longs rubans de ciment qui s’entrecroisent et rien d’autre. En s’approchant il distinguerait, sur les côtés de ces rubans, des puits carrés, semblables, en plus petit, à des bouches de métropolitain ; de là descendent des escaliers qui mènent aux logements. Car cette ville est entièrement bâtie en sous-sol, et toutes les habitations sont souterraines. Pourtant, l’air ne manque pas : il est introduit et renouvelé par des tubes chauffants ou réfrigérants selon la saison ; ni la lumière, assurée par des installations électriques autonomes.<br />
» La vie sous terre ne vous siérait-elle pas, je puis édifier pour vous la Cité Bariolée, aux maisons de style géométrique mais toutes peintes de couleurs pures, très vives. Vous-même devez être estomaqué par les tons gris et noirs qui dominent dans les villes septentrionales ou par celui, trop blanc, des cités d’orient. Dans cette ville imaginée par moi, en revanche,vous aurez des palais de laque rouge, des maisons locatives tout en vert montagneux, des bâtiments publics en jaune cadmium et, pour les riches, des châteaux d’or ou d’argent.<br />
» Ou vous pourriez vous offrir quelque chose de plus neuf et de plus hygiénique : La Ville Suspendue. Les rues se présenteraient comme des enfilades de très hautes murailles : au sommet, là où sont habituellement les toits, vous auriez de grandes terrasses de terre aménagées en jardins : au milieu de ces jardins surgiraient les cottages habitables. Les communications seraient assurées par des ascenseurs pour les locataires et, pour les voyageurs, par des aéroplanes.<br />
» Si une telle ville vous semblait peu sûre ou incommode je peux vous proposer la plus originale de toutes : la Ville Cimetière. Celle-là constituerait un compromis pratique et suggestif entre la vie et la mort. Les tombes devraient être spacieuses et bien aérées pour pouvoir héberger, ensemble, vivants et défunts. Les chapelles nobiliaires pourraient être opportunément transformées en salles à manger communes et une partie du four crématoire affectée à la cuisine collective. Chaque famille pourrait garder ses morts avec elle, logés dans les niches des parois, facilitant ainsi le culte des trépassés. Il faudrait, pour habitants, des amateurs d’Ann Radcliff, de Hoffmann et de Poe mais il ne serait pas impossible d’en rassembler quelques milliers pour peupler cette ville qui serait unique au monde. J’ai même pensé que l’on pourrait construire au milieu, en guise d’hôtel de ville, un squelette géant de marbre jaune. Sur la colonne vertébrale, je placerais l’escalier, et le crâne, énorme, servirait de salle de réunion : voyez-vous les conseillers se pencher aux orbites vides, tenant lieu de fenêtres, et le maire qui s’avance, pour parler à la foule, dans l’enclos des dents réduit au rôle de balcon ?<br />
» Peut-être apprécierez-vous plutôt la Ville Titanesque ? Figurez-vous de longs cours flanqués de petits palais de marbre blanc et sanguin, hauts comme des cathédrales, et, au milieu des rues, des statues de colosses, immobiles passagers éternels. Puis, çà et là, des marches gigantesques, infinies, qui se perdent dans le ciel et, sur celles-ci, des géants de bronze en train de monter vers les portails plus vastes de l’Arche de l’Étoile ou vers des autels vastes comme des places ou vers des flèches de cuivre qui semblent toucher les constellations. Une ville, celle-là, très coûteuse — je préfère vous prévenir — mais plus belle qu’un rêve de Piranèse et un poème de William Blake, supérieure à Ninive, à Persépolis et aux imaginations les plus folles.
— Et cela coûterait ?…<br />
— Au moins vingt-cinq milliards, répondit, sec et sérieux, Sulkas Perkunas.<br />
— Très bien. Vous m’apporterez d’ici un an le devis, le plan au dix millième, les élévations et les dessins panoramiques. »<br />
Et sur ces paroles je me levai pour signifier son congé au dangereux projeteur de la ville. M. Sulkas Perkunas ramassa ses feuilles en silence, ajoutant seulement :<br />
« Je serai ponctuel. »<br />
Et enfin, après une ébauche de salut, il sortit à la hâte de la pièce et de l’hôtel.<br /></p></blockquote>
<p><br />
<br />
<strong>Giovanni PAPINI</strong> <em>Gog</em>. traduction de René Patris, complétée par Marc Voline. — Paris, Le Nouvel Attila, 2007, 352 p., “Collection Nocturne”, 70 illustrations, 20 €<br />
En librairie le 6 avril.<br /></p>
<blockquote><p><img src="http://www.alamblog.com/images/Papini circa 1914.jpg" alt="" /> <em>Giovanni Papini</em>.</p></blockquote>http://www.alamblog.com/index.php?post/2007/03/22/312-gog#comment-formhttp://www.alamblog.com/index.php?feed/atom/comments/493De notre envoyé spécial à Magogurn:md5:833a64f384e5806064999e4d2290719a2006-06-14T11:40:44+00:002006-07-18T10:47:19+00:00Le Préfet maritimeLe Petit porte-voix des gens du métierGiovanni Papini <p>Le prix Nocturne, fondé en 1962, a ressurgi l'an dernier (2005).</p>
<p>Il a laurée feu l’Italien Giovanni Papini (1881-1956) pour son roman cynique, acide et brutal <em>Gog</em> (Firenze, Vallechi, 1931 ; Paris, Flammarion, 1932).<br />
<img src="http://www.alamblog.com/images/Papini.jpg" alt="" /><br />
Une belle tête d'inspiré, pas vrai ?<br />
Une réédition est attendue, mais elle traîne un peu. Il est probable que la nouvelle édition du chef-d'oeuvre de Papini, son recueil de nouvelles <em>Le Miroir qui fuit</em> apparaîtra sur les étals plus tôt, puisqu'il est annoncé par Panama-FMR pour l'automne. Il avait connu les honneurs d'une première réédition dans la fameuse « Bibliothèque de Babel », collection menée par Borges himself. C'est tout dire.</p>http://www.alamblog.com/index.php?post/2006/06/14/12-de-notre-envoye-special-a-magog#comment-formhttp://www.alamblog.com/index.php?feed/atom/comments/242