L'Alamblog - Mot-clé - Jean-Benoît Puech2024-03-28T16:56:26+01:00Le Préfet maritimeurn:md5:891a4437ffb56035bcdd99ce6fc8c9f0DotclearRattus bibliofilusurn:md5:751d89559f6b3356db22d18c61d652a22020-12-09T00:58:00+01:002020-12-22T18:03:48+01:00Le Préfet maritimeDernier reçu Premier serviJean-Benoît PuechLectureValery Larbaud <p><img src="http://www.alamblog.com/public/.baetensRat_m.jpg" alt="baetensRat.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="baetensRat.jpg, déc. 2020" /><br />
<br />
<br />
S’il y a un réflexe humain trop humain qu’on ne parviendra pas à rédimer, c’est bien celui d’exprimer le plaisir que l’on éprouve à parler de ses livres. Pas un mois sans que paraissent des éloges, des vade mecum, des commentaires sur notre vie au coeur de « ma » bibliothèque, ce vaste charnier dont on se croit propriétaire, des guides de voyages en pays papetier, des listes de « coup de coeur » (malaisant), des exemples de « pépites » (à vomir), des trucs « iconiques » (abject !), des bouquins « incontournables » (Iésoumariajioseph) dont, la plupart du temps, Montesquieu, Nodier, Céline, Paulhan, Apollinaire ou Manchette faisaient déjà l’éloge... Au fond, pour reprendre cette célèbre tirade du néanxistenciel moderne : « Si t’as pas de bibliothèque à cinquante ballets, c’est que t’as raté ta vie ».<br />
A la lecture de <em>Comme un rat</em> du Belge <strong>Jan Baetens</strong>, on peut faire deux constats. D’abord, il a réussi sa vie, lui. Notamment parce qu’il a beaucoup lu et qu’il sait parler des livres avec pertinence et subtilité. De plus, c’est un malin : sa bibliothèque est toute intérieure. Aussi bien, il fait le tri, et apparemment adroitement (on parie que comme tous les gros lecteurs il doit passer un peu de son temps à réfléchir à la façon d'organiser tout ça, aux pièces retranchables, aux privations supportables, etc. C’est le lot de tout lecteur « professionnel » entassant les lectures à venir dans ce qui, le plus souvent, n’est pas un château.) Il réserve ses Fargue et Henri Thomas, Gracq et Larbaud, et comme c’est un jouisseur, il se garde bien de jeter ses Dekobra. Idem, il conserve Bernard Frank, et, parce que c’est un esthète, Jean-Benoît Puech et Michel Lafon.<br /></p>
<blockquote><p>Jamais je n’ai eu de livre préféré, ni d’écrivain que je mets au-dessus des autres. Mes goûts changent, les nouveautés et l’inconnu m’attirent comme à vingt ou trente ans. J’adore oublier. Mais je veux aussi comprendre pourquoi il y a des textes et des auteurs que rien ne chasse.<br /></p></blockquote>
<p>Recueil d’essais, <em>Comme des rats</em> tient tout autant de la critique littéraire que de la métaphysique du livre. Le livre est-il utile ? A quoi ? Et pourquoi le serait-il ? Ma foi, vous le saurez en lisant Jan Baetens. Il trouve le temps de célébrer "Les timbres-poste de l'exotisme" de Gilles Lapouge, de décrypter son propre "primo-roman", <em>Faire sécession</em>, d'évoquer quelques films, quelques peintures, John Updike et puis les Potassons qui entouraient Fargue, et quelques autres encore accompagnant son propos de réflexions qui feront réfléchir les lectrices et les lecteurs... Lesquels adorent ça, pas vrai ?<br /></p>
<blockquote><p>Relire, joie de relire. C'est le cadeau, immérité car nous sommes distraits si souvent et si peu attentifs, que nous offre tout vrai livre. C'est pareillement ce que les vrais lecteurs attendent du texte dans lequel ils s'embarquent. Loin de succomber à quelques geste de lecteur vieillissant, d'indifférent à la production récente, nous relisons par enthousiasme, pour le plaisir de voyager dans le temps, emportant avec nous notre connaissance du présent, projetant sur nos lecteurs à venir les leçons de la bibliothèque.<br /></p></blockquote>
<p>Sans chichi, sans forfanterie, <em>Comme un rat</em> compose le salut reconnaissant d'un lecteur bien nourri. Et faire des jaloux, n'est-ce pas une excellente manoeuvre pour attirer les curieux ?<br /><br />
<br />
<br />
<br />
<strong>Jan Baetens</strong> <em>Comme un rat</em>. — L’herbe qui tremble, 2020, 181 pages, 15 €<br />
<br />
<br />
<br /></p>http://www.alamblog.com/index.php?post/2020/12/08/Rattus-bibliofilus#comment-formhttp://www.alamblog.com/index.php?feed/atom/comments/4643Kenneth Grahame le très grandurn:md5:f5750dea28512046ec088ba06b2fd1912006-10-30T09:31:00+00:002009-11-06T09:22:54+00:00Le Préfet maritimeDernier reçu Premier serviA. A. MilneJames BarrieJean-Benoît PuechJules RenardKenneth GrahameLouis PergaudMichel PlessixTristan Derême <p><img src="http://www.alamblog.com/images/2840551683.08.LZZZZZZZ.jpg" alt="" /><strong>Kenneth Grahame</strong> (1859-1932), l’universel auteur du <em>Vent dans les saules</em> — un livre dont on sait à peine l’importance capitale tant il est mal promu, connu de vaporeuse manière et destiné, par tous ceux qui ne l’ont justement pas lu, à l’unique usage des enfants (quelle triste blague) —, le fabuleux créateur du “Dragon récalcitrant”, le mémorialiste inspiré des <em>Jours de rêve</em> et de <em>L’Âge d’or</em>, où la marmaille vibrante se voit confrontée aux discours et actes saugrenus de l’engeance adulte, ces Olympiens mal comprenants, Kenneth Grahame, disais-je, aura eu droit à une gloire tenace au Royaume-Uni et, de notre côté de la Manche, à une désinvolture indigne.<br />
<img src="http://www.alamblog.com/images/Kenneth Grahame.jpg" alt="" />Si Jean-Benoit Puech ou Alberto Mangel ont dit tout le plaisir qu’ils avaient eu à lire et relire ces trois chefs-d’oeuvre — répétons toujours : <em>Jours de rêve</em> (1896) et <em>L’Âge d’or</em> (1899), ces deux derniers prenant le titre collectif de <em>Au royaume des enfants</em>, et puis <em>Le Vent dans les saules</em> (1907) —, le parcours éditorial de Kenneth Grahame fut, en Angleterre, serti de bonheurs :<br /><img src="http://www.alamblog.com/images/Yellow Book.jpg" alt="" /> Il débuta à peu près dans les pages de <em>The Yellow Book</em>, la revue sublime où se coudoyaient John Buchan, Henry James, Max Beerbohm, Arthur Symons, George Moore et Baron Corvo, avec, au poste de directeur artistique, nul autre qu’Aubrey Beardsley — tandis qu’en France, il fut traité grosso modo avec le mépris dans lequel on tient généralement les auteurs de littérature pour mômes — quand il ne s’agit pas du St-Ex hexagonal —, exception faite de la traductrice Léo Lack qui sut lire juste et de Michel Plessix, un auteur de bandes dessinées qui a eu récemment et le nez creux et le formidable talent de mettre en pages les aventures de Taupe, de Blaireau et du compère Crapaud, le dingue d’automobiles, avec une grâce vraie et un sens impressionnant du texte que n’ont pas toujours eu les éditeurs de chef-d’oeuvre.<br />
Que l’on aborde l’œuvre de Kenneth Grahame par <em>Le Vent dans les saules</em> ou bien par <em>Jours de rêve</em>, on est immédiatement touché par une grâce magique – elle est encore épicée de la drôlerie et d’une tristesse souterraine, qui sont, avec la nostalgie, les composés majeurs mais si délicats à manipuler, des deux livres du <em>Royaume des enfants</em>. Ce que l’on peut considérer comme une autobiographie – mais l’autobiographie d’un autre, le gosse que Grahame tentait de rattraper – reconstruit une enfance autour des moments les plus forts, les plus doux, les plus étranges. Une enfance fantasmée pour l’exemple, qui parle à chacun et tire à tous le cœur vers l’autrefois, celui où il faisait bon gambader sans souci parmi les herbes folles, construire des cabanes idéales – bien souvent idéelles -, se repaître de l’air du monde dont nul poison n’avait rendu la consommation dangereuse.<br />
<img src="http://www.alamblog.com/images/Couv. Wind.jpg" alt="" />On n’a guère, en France, d’œuvres similaires. <em>Le Petit Prince</em> de Saint-Exupéry fait grise mine – il est si raide, si peu enfantin - aux côtés d’un <em>Peter Pan</em> folâtre (James Barrie) ou d’un <em>Oncle perdu</em> (Mervyn Peake) dont les lettres tiennent du coup de génie. Il faut fouiner du côté de <em>Patachou petit garçon</em> de Tristan Derême (Emile-Paul frères, 1929) — le modèle que s’est choisi Saint-Ex, comme l’a démontré Denis Boissier naguère —, du côté de <em>Poil de Carotte</em> de l’acide Jules Renard (Flammarion, 1894), ou de <em>La Guerre des boutons</em> de Louis Pergaud (Mercure de France, 1912) pour retrouver les humeurs vraies de l’enfance. Ils sont rares ceux qui savent faire résonner ce timbre délicat chez le lecteur adulte, et Kenneth Grahame, qui se plaça naturellement contre les « Olympiens », ces adultes tellement infatués, méprisants, incompréhensibles, incohérents et menteurs, fit un miracle. Comme, un peu plus tard, James Barrie avec Peter Pan.<br />
C’est en 1929 qu’A. A. Milne, le créateur de <em>Winnie l’ourson</em> assura d’une adaptation théâtrale aux personnages du <em>Vent dans les saules</em> une célébrité universelle. Kenneth Grahame pouvait être rassuré sur le sort réservé à ses créatures. Héritier du roman pastoral anglais, digne descendant des Romantiques anglais - qui, depuis Blake, ne considéraient plus les enfants comme de petits animaux -, pouvait rejoindre les harmonieuses prairies de Pan et poursuivre ses belles rêveries bachelardiennes, nostalgiques et douces qui nous font, aujourd’hui comme toujours, tant de bien.<br />
<strong>Michel Plessix</strong>, <em>Le Vent dans les saules</em>. — Delcourt, 1996-, 4 vol. <img src="http://www.alamblog.com/images/product-605352.jpg" alt="" /><br />
<strong>Kenneth Grahame</strong> <em>Jours de rêve, précédé de L’Âge d’or (Au royaume des enfants)</em>. Traduction de Léo Lack. — Paris, Phébus, 2005. <img src="http://www.alamblog.com/images/Jours de rêve.jpg" alt="" /></p>http://www.alamblog.com/index.php?post/2006/10/30/176-grahame-le-grand#comment-formhttp://www.alamblog.com/index.php?feed/atom/comments/368