La RENTREE littéraire (qu'est-ce qu'on s'ennuie...)

Comme le Préfet maritime vous le disait dès juin, le prochain roman de Céline Minard paraîtra en janvier chez Denoël (titre temporaire : Le Dernier Homme). On peut vous annoncer désormais que le prochain roman d’Emile Brami paraîtra chez Grasset, que Séverine Weiss travaille à une traduction de l’américain plus qu’intéressante et que le blog de l’ex-Dominique Poncet, Imponder, devrait apparaître sous peu dans ces environs, c’est-à-dire sur Lekti.com. Il y a aussi un manuscrit de Patrice Salsa, auteur remarqué d’un premier roman aux éditions du Rouergue, en voie de bouclage. De bonnes raisons, vous le voyez, de faire mentir le titre de cette chronique.
Sachez aussi que la revue Décalage est passée au dos carré, et a célébré sa nouvelle robe, toujours illustrée de photographies impayables, hier au soir, dans un bar branché de la rue Gaillon où se tenait il n’y a pas si longtemps les réunions et remises du Prix du Petit Gaillon, en face de certain restaurant où quelques dinosaures font les mariolles une fois par an.
Autre nouvelle : un colloque Bernard Desportes aura lieu à Arras le jeudi 5 octobre prochain (nous reste plus qu’à pondre notre demi-heure de blabla).
C’est assez d’informations, il nous semble, qui ne figurent nulle part. Surtout pas dans le “Cahier Livres” (une bien grande paire de mots) de Libération, non plus que dans le Figaro littéraire qui ont choisi ce jour de ne pas nous surprendre. Ou plutôt de nous surprendre (encore) par leur extrême conformisme. Et ne parlons pas de Télérama.
Vous voulez en parler ?
Bon, si vous y tenez…
Que trouve-ton dans le Figlitt : l’expression sans fard de la domination culturelle américaine avec, dans le genre écrase-neurones, une carte des Etats avec la photo de leurs 19 meilleurs représentants littéraires. Lorsqu’on aperçoit la tête du pâteux Russel Banks non loin de celle de Thomas Pynchon, on se prend à douter du sérieux de l’enquête. C’est du point de vue de la “librairie française” que le “dossier” a été monté. Autrement dit, lectrices, lecteurs, n’y cherchez aucun repère littéraire, vous perdriez votre temps. Quant aux lacunes de ces pages “Le talent est-il américain ?”, elles sont maousses. Non, c’est “la veulerie est-elle française ?” qu’il aurait fallu titrer. Et la liste des articles consacrés à la rentrée littéraire française informe sur ce point : on trouve Yann moix et son bouquin consacré à un certain François Mitterrand — passons sur Gilles Lapouge, auteur peut-être du seul vrai livre salué par cette livraison —, Benoît Duteurtre s’attachant aux pas d’une dir. com. (quelle imagination, mes aïeux), Audeguy et son roman sur le frère de Rousseau (personne n’a encore relevé que le sujet n’est pas neuf : Jean Claude Bologne avait diablement tourné le sujet en 1999 avec Le Frère à la bague), Pascal Bruckner bégaie à propos du devoir de mémoire et Michel Schneider casse la baraque finale avec son “roman” sur une certaine Marilyn Monroe. Bref, du resucé, de l’ennuyeux, du pas excitant, du terne, du françoué. Les Ricains n’ont pas de mal à faire les kakous avec leurs histoires pour ateliers d’écriture. On est donc contraint de se pourlécher de cette seule nouvelle que Gallimard renoncerait à publier Heidegger. C’est sans doute le petit Jonathann Littell qui ne veut pas.
Et que nous sert Libération pendant ce temps ? Un roman de Pascal Mercier, qui se déroule… à Lisbonne. Ah, pétard de sort ! A Lisbonne. Il a osé ? Mais quelle nouveauté, quelle surprise, quel inattendu. C’est trouant. Lisbonne, tarte à la crème des romanciers sans sujet. Passons, revient encore le lassant Schneider et sa Marylin (qui “lisait” hier au soir sur Arte de fameuses pages de son goûteux bouquin… Franchement, il fallait entendre ça !), François Dupeyron et son roman sur Gustave Courbet, et le feuilleton de Lindon sur Herman Melville, puisqu’il s’est spécialisé dans les comptes rendus de parution de la Pléiade pour faire comme Sollers. Bref, il reste Avita Ronell, “la dame en noir de la Philo”, un essai sur les rapports idéologiques de la peinture et de la colonisation de Patrick Vauday (Le Seuil). Enfin des livres.
Vous n’aurez pas manqué de remarquer qu’à condition de se servir du trépied d’une grande figure (il y a aussi eu Michael Jackson dans le Bambi Franckenstein dont ne sait plus qui), les portes s’ouvrent : laissez venir à nous les paralytiques, en d’autres mots. Ils ont besoin de cannes, de tuteurs, aidons-les.
Quant à Télérama, il nous sert du Pajak, dessinateur incertain sans sa table magique, qui tente sa chance avec le roman dans une collection filandreuse — mais nous n’avons pas lu ce livre, J’entends des voix, nous réservons donc notre avis. Voici encore le Luc Lang, l’homme qui marque en gros sur ses livres “anglo-saxon” pour mousser et, c’est pire, fait assaut à ténébrosité avec Alain Fleischer le poseur, et puis un jeune de 20 ans dont on n’entendra plus parler dans dix jours et pas mal d’autres choses. Voici encore Ravalec (qui rame, qui rame), Catherine Millot, Agnès Desarthe et divers auteurs étrangers beaucoup plus excitants : Steven Carroll, Leena Lander, Antunes. Essentiellement Jean-Pierre Martin et Le Livre des hontes (Le Seuil), un essai qu’on aimerait avoir illico sous la main.
Reste à attendre le Monde des livres, mais, ici, face à notre petit jardin, nous ne nous faisons pas grande illusion.
Et nous prenons les paris que Virginie Despentes, la grande écrivaine au style si remarquable, aux idées si singulières, va casser sa baraque avec son livre sur les femmes. Evidemment, évidemment.
Mais ça n’est pas rassurant.
Quant à la presse littéraire en papier, notre opinion est faite.

PS : nous notons, sans y prêter plus de sens que cela pourrait en avoir, que les deux volumes signalés pour leur capacité à nous ouvrir l’appétit ont paru aux éditions du Seuil. C’est curieux, n’est-il pas ?

PPS : nous ne confondrons pas, évidemment, Pascal Mercier l’éminent gidien dont nous apprécions à leur valeur les travaux admirables et le Pascal Mercier mentionné plus haut, pseudonyme d’un universitaire suisse-allemand enseignant la philosophie qui nous tente de nous servir la vieille chanson de la saudade à la lisboète. Fût-elle bonne, elle a le goût du réchauffé.

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