Ma factrice est sympa (les revues en 1944, Michel Ohl, Raspoutine, Georges Walter, Joseph Kessel, Antonin Artaud, Paule Thévenin et Francis Lacassin)

Plongé dans la rédaction d'un article lourd sur l'histoire des prix littéraires (mais si) (en écoutant Music for Pleasure tout de même), un pensum absolu où miroitent pourtant des noms et des titres appréciables, le Préfet maritime a la satisfaction de devoir lever ses fesses pour, aux alentours de midi, purger sa boîte aux lettres qu'une factrice plus qu'aimable nourrit chaque jour. Occasion d'une réanimation physique à peu près totale, le Préfet en profite pour se rouler un clopiot, humer l'air de la cour, scruter le ciel de Paris — des fois que les p'tits piafs feraient leur réapparition — et rouler tant bien que mal jusqu'à la grille. Retour bras chargés ou pas trop. Et puis back to the grille avec le tas d'enveloppes vides et de prospectus plus ou moins promotionnels (l'imprimerie en 4 couleurs a de beaux jours devant elle), après déchiquetage menu menu (catharsis).

Pour commencer, dieux du ciel, c'est un bon gros Panorama des revues à la Libération qui m'échoit. Diantre ! Un inventaire bibliographique, si je m'attendais ! Et analytique avec ça ! Passionnant, digne outil, fruit d'un digne labeur qui vaudra à Caroline Hoctan notre respect perpétuel. On y trouve repérées et fichées la plupart des revues littéraires depuis les plus fameuses (dont vous connaissez les titres, pas vrai ?) jusqu'aux plus humbles : Le Livre des lettres, Les Livrets du Mandarin de René-Louis Doyon, Le Sol clair de Jules Mougin, Départ, Vrille, à l'unique livraison, dont le créateur fut assassiné par un domestique...
Saviez-vous, par exemple, que Gérard Nanteuil avait signé un "Le Rire et l'humour" dans Le Cercle (n° 1, juillet 1946), qu'André Druelle et Robert Giraud avaient collaboré à Terre, Paroutaud à Méduse, Gaston Criel à La Revue doloriste de Julien Teppe et Maximilien Vox à La Porte ouverte ? Moi pas.
Je vous le dis, voici un livre passionnant.

Et voilà Michel OHL — lui ! — accompagné de son poteau Georges Walter dans un exercice curieux de livre à quatre mains : Un chalet sur la Néva, où règnent le souvenir du couple Joseph et Michèle Kessel, ainsi qu'en couverture une étrange photo du cadavre de Raspoutine naviguant sur la Néva, le bras tendu par le statuaire des Parques dans la direction de là-haut, toujours plus haut. Bigre. Mais je vous l'assurais hier, je reviendrai sur Michel Ohl très bientôt, ne déflorons pas le sujet outre mesure.
Et à propos du moine fou, voici ce que l'on trouve sur internet : le dégoutant sexe (apocryphe) de Raspoutine

Parions que ça aurait déridé Momo le Artaud. Paule Thévenin, son éditrice historique disparue le 25 septembre 1993 est à l'honneur des éditions Lignes qui consacrent à ses écrits sur les rapports d'Artaud et du surréalisme un volume conséquent et inédit. Il est question des divergences fondamentales qui opposaient Breton et Artaud, inévitables est-on tenté d'écrire, ce dernier disputant effrontément au Pape sa fidélité à la source native du surréalisme. Nous allons lire cela de près, Paule Thévenin soutenant la thèse, logique en somme, qu'Artaud représentait à lui seul une voie laissée en friche du surréalisme.

Moins polémique, évidemment, Francis Lacassin paraît égal à lui-même dans ses Mémoires. Ses Passagers clandestins (Julliard, 1993) étaient déjà de cette eau, très très agréable au fond, et même en surface, je m'en souviens fort bien, mêlant le souvenir de quêtes bibliographiques aux analyses thématiques. Ici, il évoque Auriant, Philippe Gindre, Simenon et beaucoup d'autres, nous y reviendrons avec, si nous en avons le courage, la fourniture de l'index de l'opus (!) que l'éditeur a négligé.
C'est ce qui étonne le plus : comment peut-on encore publier des mémoires d'éditeurs sans index ? Autre étonnement, la page des épigraphes. Voici ce qu'on y lit :

Les fleuves sont des chemins qui marchent.
Pascal

Les livres aussi.
Lacassin

La mémoire est le miroir dans lequel nous contemplons les absents.
Chamfort

Deux conclusions s'imposent :

  • Primo : il faudra un jour songer à faire interdire les épigraphes, ou à en limiter l'usage.
  • Secundo : (...) n'ajoutons rien.
  • Tertio : et si c'était de l'humour ?

Afin de lui faire l'article tout de même, sachez, Nauteuses, Nauteurs, que Francis Lacassin cause en ses Mémoires de Casanova, Stevenson, Gustave Le Rouge, Maurice Leblanc, Jack London, Lewis Carroll, Albert Londres — Dites, il en a connu du monde ! — et puis Malet (Léo), Simenon (commissaire), Cendrars (Blaise), Messac (Ralph), etc.
Reste à lire plus avant.

Caroline HOCTAN Panorama des revues à la Libération (août 1944-octobre 1946). — Paris-Caen, IMEC, 704 p., 29 €

Michel OHL et Georges WALTER Un châlet sur la Néva. Michka et les Kessel. — Biarrtiz-Paris, Atlantica, 82 p., 19 €

Paule THEVENIN Antonin Artaud : Fin de l'ère chrétienne. — Paris, Lignes/Léo Scheer, 292, 19 €

Francis LACASSIN Mémoires. Sur les chemins qui marchent. — Monaco-Paris, Editions du Rocher, 360 p., 21 €

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