Entendu pour de vrai


A. S., une amie romancière, écrit ce jour au Préfet maritime :

“Figure-toi que pas plus tard qu’hier, à la librairie C***, j’ai entendu, de mes oreilles médusées entendu, un des vendeurs dissuader une cliente peut-être un peu ignorante et timide, certes, mais soucieuse de se renseigner sur les bons auteurs, la dissuader disais-je, d’acheter Le Planétarium de Sarraute, en lui disant (les bras t’en tombent et tes cheveux s’en dressent) que “c’était ennuyeux, trop compliqué”. Et tu peux dire que c’est moi qui te l’ai raconté.”



Ce dont nous nous garderons bien. Les bonnes âmes sont si nombreuses qui veillent… La publication du nom de ladite amie lui amènerait sur le paillasson les soeurs Dénigrement, Revanche, Amertume et Dénonciation, suivies de la fine équipe de Pouâcre, de Fi, de Commentosetelle et de, last but not least, Mondieumondieu (la pire). De même, nous préfèrerons taire ce qui nous adviendrait si, par un réflexe tout à fait puéril, nous avions l’innocence de donner le nom du libraire, la marque de la librairie qui l’emploie et tutti frutti. Audacieux sans doute, fou, que non.

Le curieux, c’est qu’en cette même fameuse librairie de la rive gauche, on tenta longtemps — et dès potron-minet — de nous faire ingurgiter (de force car nous n’en désirions guère) la prose de Claude Simon dont on ne dira pas qu’elle est “compliquée”, à proprement parler, mais bien qu’elle nous a toujours semblé ennuyeuse, fût-elle exposée en vitrines, en piles et de partoutpartout. On y vendait alors couramment les livres de Nathalie Sarraute, et en plus grande quantité.

C’est à un tel signe que nous constatons, peuchères, que le vent tourne, qu’on brûle souvent ce que l’on a adoré et que, décidément, nous avons pris trois cheveux blancs.

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