Jean-Pierre Martinet (deux fois)


C’est une excellente nouvelle : les trois récits de Jean-Pierre Martinet publiés par L’Arbre vengeur et Finitude paraissent aujourd’hui.
C’est peu dire qu’il faut aller voir en librairie ces écrits formidables, dignes d’éclairer les lecteurs sur les qualités du grand écrivain que fut Martinet.
Afin de vous allécher, chers nautes, ces incipits goûteux :

Et Madame C. se tournait alors vers moi, elle me disait qu’elle avait peur de mourir étouffée ici, dans cette loge minuscule, qui lui laissait juste la place de respirer, entre ses plantes vertes et les photos en couleur de Luis Mariano, maintenant elle ne pouvait plus dépasser le deuxième étage lorsqu’elle montait le courrier, elle avait l’impression de descendre à la cave, d’être assaillie par les rats, de patauger dans l’humidité, sans doute le coeur, me répétait-elle tristement en passant sa main sur ses paupières boursouflées, en été je suis toujours fatiguée, il me faudrait changer d’air, je ne supporte plus Paris, la rue Froidevaux me donne la nausée, un autre ciel, ah oui, la plage, ah la plage, quand j’étais petite fille ma mère m’emmnait à Biarritz, sur la jetée, on respirait alors, le Casino disparaisait sous les hortensias bleus, on y jouait des opérettes, quels décors, mon petit Adolphe, tu peux pas imaginer, enfin elle m’emmenait pas vraiment ma mère, elle suivait ses patrons, elle était domestique, mais l’hiver était très doux, là-bas, le ciel blanc, presque transparent, en décembre on pouvait se contenter d’une cotonnade légère, on mangeait des glaces à l’abricot, oui, j’ai vu trois fois “Le Pays du Sourire” avec maman, et les airs je les connais encore, oui, tu veux que je te les chante, mon petit Adolphe ?

La Grande Vie. Préface du Préfet maritime. — Talence, L’Arbre vengeur, 64 p., 9 €


Ce soir-là, en rentrant chez lui, après avoir renversé une bonne dizaine de poubelles, égorgé trois chiens et giflé un aveugle saoul qui l’avait pris pour Marylin Monroe (il avait essayé de l’enlacer au milieu de la rue, sous la pluie, mais il avait réussi à lui échapper. L’aveugle avait fini par glisser et gesticulait sur la chaussée en suppliant sa chère Marilyn de revenir), il se dit que, décidément, il n’avait plus grand-chose à voir avec le gentil petit garçon que sa grand-mère emmenait tous les soirs, en hiver, sous les flocons de neige en coton hydrophile, aux “Dames de France”, place Abel-Surchamp, à Libourne, se gaver de pâtes de coing à cinq francs, au milieu des ampoules rouges et bleues clignotantes. (“Nuits bleues, calmes bières”.)

N.B. Les lecteurs d’Yves Martin apprécieront sans doute les clins d’oeil amicaux que lui adresse Martinet dans cette longue et belle nouvelle, fruit de leurs communes virées sans doute. Critter ou pas Critter, telle est la question.

Depuis son enfantce, Martha croyait que les divinités de la foudre étaient des petites filles malingres aux cheveux rouges qui vivaient cachées dans les groseillers et riaient bêtement chaque fois que survenait une catastrophe ou qu’un homme mourait de mort violente sans avoir reçu l’extrême-onction. (“L’Orage”.)

Nuits bleues, calmes bières, suivi de L’Orage, postface d’Alfred Eibel. — Bordeaux, Finitude, 56 p., 9 €


Un premier article a paru dans Sud-Ouest Dimanche (12 novembre 2006, “Ses chants si noirs”, par Serge Airoldi), suivi de deux autres dans Livres-Hebdo et Télérama. Gageons que ce ne sont pas les derniers.

La réédition intégrale de son grand roman, Jérôme, sera la prochaine étape de la redécouverte de ce maudit de Jean-Pierre Martinet, une forme d’apothéose, son inscription durable au rôle des lettres du siècle dernier, sa reconnaissance définitive.
A suivre donc.

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