La hiérarchie des casquettes
ou de la Nécessité de publier une monographie des casquettes administrativesJusqu'aux dernières années des temps actuels, la casquette était portée par les gens à gages, et les laquais de grande maison se distinguaient des autres par la largeur du galon argenté ou doré qui ornait leur casquette. Aujourd'hui, tous les fonctionnaires de l'État, qui sont les gens à gages du Gouvernement, portent la casquette en petit uniforme. Est-ce un symbole de la soumission toute passive exigée du fonctionnaire par le Pouvoir qui le paie ? Je n'en sais rien ; toujours est-il que les casquettes sont portées avec orgueil par tous les fonctionnaires, depuis les plus élevés jusqu'aux plus humbles, et qu'il devient difficile pour un simple contribuable qui n'en a pas fait l'étude de se reconnaître dans ce dédale de casquettes plus ou moins galonnées.
Je crois donc qu'il est utile, pour l'histoire de l'art dans les temps futurs, de publier une monographie de la casquette administrative, accompagnée de figures qui fixent irrévocablement les règles de ce blason du XIXe siècle. Le travail ne sera pas si facile qu'on pourrait l'espérer au premier abord ; car on fait abus de tout à l'époque actuelle.
Ainsi, les fonctionnaires (si ce titre peut leur être donné) chargés de surveiller les balayeuses et la tenue du ruisseau ont une casquette. Pas de coucou correspondant avec le chemin de fer, dont le conducteur ne porte pas une casquette analogue à celle des hommes de la Compagnie avec laquelle il correspond.
Puis, le nombre de galons indiquant le rang des fonctionnaires est très-arbitraire. Tout chef de corps, quel que petit chef qu'il soit, porte les galons de colonel sur sa casquette. Je suis souvent embarrassé de savoir si la casquette que je vois indique un chef militaire ou civil.
Il est urgent de donner des notions claires et certaines sur la hiérarchie de la casquette administrative, soit dans les collèges, soit dans les écoles primaires, soit au moyen d'instructions officielles.D(E) C(AUMONT)
Source: Almanach de l'Archéologue français par les membres de la Société française d'Archéologie. — Caen, chez Le Blanc-Hardel, 1866, 108 p.