Boulgakov, Boulgakov, Boulgakov (air connu)


Mikhaïl Boulgakov, grand écrivain russe parmi les grands écrivains russes, n’a pas dit son dernier mot à ses lecteurs français.
Il reste à traduire de lui une masse importante de chroniques, de billets, d’articles de presse où son esprit aussi pertinent que persifleur a infusé.
Témoin ce volume de la maison Ginkgo, paru il y a une paire d’années, dont nous aurions dû parler plus tôt… si nous l’avions ouvert plus tôt. Mais les choses sont ainsi faites que, parfois, les livres sédimentent avant de nous appeler à les ouvrir : c’est alors le signe que nous sommes mûrs pour les lire.
Bref, La Locomotive ivre fut approchée et son contenu absorbé — plus ou moins, nous ne sommes pas une machine —, opération réalisée dans le plaisir et la surprise d’aborder avec la même candeur le continent Boulgakov, vaste territoire collineux, peuplé de dangers administratifs ou politiques et, nécessairement, d’ironie. Une ironie qui le rapproche beaucoup des humoristes Mittle Europa du siècle enfui. Pointus, bouffons ou mordants, brillants.
Si l’on n’a pas le courage d’aborder Boulgakov par la face Le Maître et Marguerite (1) — et quelle erreur fait-on alors ! —, il n’en reste pas moins que débouler chez lui par le biais de ces vingt chroniques n’est pas fait pour entraver le bon goût ou pour empêcher de pousser plus loin, bien au contraire.
“La momie égyptienne”, “La locomotive ivre”, “Du tabassage des épouses”, “Chasseur de têtes”, etc. sont d’authentiques trésors de l’esprit conçus par un homme génial qui parvint à mettre en coupe amusée une réalité bien grise. On songe à Swift, tout bonnement.
On s’arrêtera ici pour signaler “Encéphalite”, “récit dédié à l’ensemble des rédacteurs en chef d’hebdomadaire” qui en dit long sur la bonne humeur intrinsèque — ou la capacité à relativiser — du journaliste Boulgakov, fût-il confronté à la misère, ses écrits autobiographiques placés en tête de volume, et le témoignage où “Constantin Paoustovski raconte Boulgakov”.
C’était l’époque de la milice, de la “hiérarchie aimante”, des troupes blanches, des chauffages défectueux, de la Novaya Ekonomitcheskaya Politika et des nepmen, de l’alcolisme ravageur et des non moins ravageuses réunions syndicales.
En guise d’hommage à Mikhaïl Boulgakov, nous cessons là le travail. Nous allons nous asseoir au bout du wharf où nous allumerons une papirossa.


Mikhaïl BOULGAKOV La Locomotive ivre, traduit du russe par Renata Lesnik. — Boulougne, Gingko, 2007, 192 p., 15 €



(1) Mikhaïl Boulgakov, Le Maître et Marguerite. Traduit par Claude Ligny. Paris, Presses Pocket, 581 pages, 6, 18 €.

Nous aurons l’occasion de signaler, plus tard, deux autres livres de l’éditeur :
Leïf Panduro Le Chant du merle derrière les barreaux, traduit du danois par Sophie Grimal et Frédéric Gervais. — Boulogne, Gingko, 2006, 19 €
et Erich Loest Les Souris du Dr Ley, traduit de l’allemand par Bernard Huchet. — Boulogne, Gingko, 2006, 20 €

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