Patrick Reumaux tire double

reumauxtrad.jpg Illustration de Mervyn Peake.


Depuis quelque temps, Patrick Reumaux tire double. En effet, depuis la publication des Revenus de Tisiphone, fable leprechaunienne, et du poème réverbérant Et demain, et demain, et demain au printemps dernier (1), il publie ses livres par paires. Mais cela ne devrait pas nous surprendre puisque nous savons l’homme au moins aussi efficace que déroutant.
Et pourquoi donc déroutant ?
Vous allez comprendre.
Patrick Reumaux est déroutant car, non content de tirer double et d’être efficace (2), il tire dans les coins. Et quels coins.
En l’occurence, ce militant de la littérature anglo-saxone savoureuse de haute qualité (soit des types d’écrivains très variés, toujours denses et d’une lecture passionnante, sur notre tête de Préfet maritime), met sur le devant de la scène des nouvelles d’Irlandais jusqu’ici négligées.
On sait peut-être que du Royaume-Uni l’essentiel de la littérature post-Shakespeare, est peu ou prou venue d’Irlande. Il n’est pas difficile de faire chez soi le test et de constater que Bernard Shaw, Yeats, Joyce, Sean O’Casey, Oscar Wilde, Beckett et j’en passe sont originaires d’Eirinn. De même ne faudrait-il pas oublier Liam O’Flaherty, Mary Lavin et Daniel Corkery. Ces deux derniers n’ayant jamais eu beaucoup d’influence sur la vie des livres en France. C’est un peu dommage et Patrick Reumaux, en traducteur anthologiste nous le prouve à l’aide d’un recueil de trois nouvelles impeccables au titre audacieux : Trois morts salées.
C’est tout le charme de Patrick Reumaux de ne pas hésiter lorsqu’il s’agit de traduire. Il n’est pas du genre à avoir peur des mots. Mais l’on sait que Patrick Reumaux est un grand écrivain et qu’il est digne de traduire avec audace, ce qui n’est pas donné à tous.

Mary Lavin (1912-1996) n’aura été lue qu’à condition de se passionner pour les lettres irlandaises au point d’aborder les catalogues des presses universitaires. Y ont paru autrefois deux recueils, Les Vivants et les morts (Lille, 1978) et Nouvelles irlandaises (Caen, 1985) où l’on pouvait percevoir un intérêt profond, si l’on ose dire, pour les cimetières… — Et cela nous ramène à la mémoire l’éblouissante Tombe du tisserand de Seumas O’Kelly (1875-1918) dont il nous faudra parler un jour.
Quant à Daniel Corkery (1878-1964), c’était jusqu’à présent le grand désert en France : il n’apparaissait, aux côtés de Lavin et de O’Flaherty d’ailleurs, que dans les deux grosses anthologies des presses universitaires de Caen publiées en 1987 (Anthologie de nouvelles irlandaises) et 1992 (32 Nouvelles irlandaises).

Avant de vous barber d’une analyse fouillée sur les morts par noyade ou sur l’attitude du vieux catho contraint inaugurant le second recueil, Barbara-la-Rousse, du grand Liam O’Flaherty (1896-1984), nous coupons là en vous laissant imaginer les bonnes raisons qui nous font vous parler de ces six nouvelles de mort et de tourment aujourd’hui. Mais oui, c’est ça : elles sont fameuses.
Du grand art, à l’irlandaise, the Reumaux touch.


(1) Preuve accablante que nous avons un retard colossal dans nos recensions. On se croirait - presque ! - au coeur de la rédaction d’un supplément littéraire de notre bonne vieille presse qui n’en peut mais hebdomadairement. Comme nous avons honte…
(2) Nous avions l’intention de proposer ici sa bibliographie, tout en sachant que le travail serait ardu. Mais à ses livres il faudrait ajouter ses traductions et là, mazette, le courage nous a manqué. Qu’il nous pardonne.



Liam O’FLAHERTY Barbara-la-Rousse et autres contes vert sombre. Nouvelles traduites par Patrick Reumaux. Couverture illustrée d’un dessin de Mervyn Peake. - Rouen, Elisabeth Brunet, coll. “Les amis d’Elisabeth Brunet”, 47 p., 12, 60 euros.

COLLECTIF Trois morts salées, nouvelles de Liam O’Flaherty, Mary Lavin et Daniel Corkery, traduites par Patrick Reumaux. Couverture illustrée d’un dessin de Mervyn Peake. - Elisabeth Brunet, 2007, coll. “Les amis d’Elisabeth Brunet”, 71 p. 14, 20 euros.

Patric REUMAUX Les Revenus de Tisiphone. - Paris, Anabet, 2007, 99 p., 14 euros.
Patric REUMAUX Et demain, et demain, et demain (poème). - Anabet, 2007, 206 p. 21 euros.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Haut de page