Les cristallisations de Julien Grandjean


Julien Grandjean est un homme jeune, ou, pour mieux dire, un homme encore jeune d'esprit fantaisiste. Il n'a pas sa tête dans sa poche, ni son mouchoir dans la bouche. Il a publié dans quelques revues littéraires (des textes) et a fait parvenir par la poste à L'Arbre vengeur (qui n'en a généralement cure) un ensemble d'écrits curieux, pour le moins.
On ne saurait dire si Julien Grandjean a du talent. On ne s'y aventure d'autant moins que nous avons prévu ici même une grande enquête sur les critiques qui risquerait de nous exploser aux narines. Courageusement, nous resterons sur notre quant-à-nous de Préfet maritime et c'est très bien ainsi (nous n'en pensons pas moins).
En fait, nous machouillons l'impression d'avoir lu avec Précipité un petit livre étrange qui cousine sans mal au même catalogue avec le terrible Professeur Bouc, et semble, pour tout dire, ressusciter quelque conte cruel lu autrefois, quelque fable-express du bon papa Allais. Sûr que Julien Grandjean a lu ce qu'il faut lire. Et je parie qu'il y a parmi ses lectures Marcel Schwob, Laforgue, Cros peut-être, Beckett, Renard, Ionesco, Michaux, Queneau, Tardieu. Et c'est finalement à Tardieu qu'il ressemble le plus. Ou à Renard, allez savoir.
Quoi qu'il en soit — on se fiche un peu de ce qu'il a lu, n'est-ce pas — Julien Grandjean a une certaine papatte et des lettres. Il sait torcher une phrase sans y choir. Il a aussi une façon bien à lui de faire le logicien : il tord la logique à deux mains, la secoue bien et puis la retourne d'un coup sec, comme on retire la peau du lapin. C'est osé, c'est risqué, mais il s'en sort très bien. Au fond, il nous surprend ce Grandjean. Ce n'est toujours pas de Christine Angot, de François Bon, de Pierre Jourde ou de Jean d'Ormesson qu'on en dirait autant.


Julien GRANDJEAN Précipité. — Talence, L'Arbre vengeur, 2007, 96 p., 9 €

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