La Révolution bolchevique vue par Claude Anet (1917-2007)

Claude Anet La Révolution russe (Phébus, 2007 Un quart de tour pour l'oeuvre d'El Lissitsky qui enluminera sous peu La Révolution russe de Claude Anet


Puisque l'automne est là, excepté dans certaines régions d'azur ou de chaume, il nous faut prévoir les jours difficiles à venir. Va falloir s'occuper et les travaux d'aiguille, ma foi, nous ayant lassé, nous allons tourner des pages de papier, en attendant la corvée de bois et autres occupations des jours froids.
Quelques éditeurs semblent avoir perçu la détresse de leurs concitoyens. Ils nous proposent, au gazou, de frais opus dont nous allons dire un mot bientôt, tout en essayant, mais si mais si, de rattraper certains retards que nous prîmes..
Pour l'heure, c'est à Claude Anet (1868-1931) que nous consacrons un billet, sous la bannière éclatante d'El Lissitsky, à l'occasion de la réédition (agrémentée d'une préface et d'un petit dictionnaire des personnages cités) des quatre volumes de La Révolution russe où l'envoyé spécial du Petit Journal, "plus fort tirage du monde entier", et collaborateur du Gil Blas, donnait au jour le jour ses aperçus et commentaires de la Révolution d'octobre. La maison Payot reprit en quatre volumes en l'espace de quelques trimestres (1917-1919) l'ensemble des articles et des notes du journaliste et romancier, parmi lesquels quelques superbes scènes de rue, des portraits de groupe et des analyses au moral des meneurs des deux moments principaux de la révolution.
Elle eut lieu, on s'en souvient, à partir de février 1917 et prit une tournure bolchevique en octobre (calendrier grégorien) ou novembre 1917 (calendrier julien). Anet, installé à Saint-Pétersbourg dès août 1914 (et peut-être même en juillet), eut l'occasion de vivre les événements sur place, de visiter les tranchées ouvertes aux Allemands, d'assister aux mouvements de foule, aux débats sans fin de la première période de cet historique bouleversement, à la désagrégation effrénée d'un régime usé et d'une société en pleine mutation, et, ça n'est pas le moins, de croiser les personnages les plus importants de cette longue et chaotique affaire. Depuis le terroriste Boris Savinkov jusqu'à Lénine et Trotski (who's got an icepick comme chacun sait -1-).
Au même moment, le militant américain John Reed eut avec ses Dix Jours qui ébranlèrent le monde (préface de Lénine, 1917 -2-) un succès inoui, on s'en souvient... mais ça n'est pas une raison d'occulter, tant s'en faut, l'oeuvre de Claude Anet qui, loin d'être idiot, usa d'un à-propos qu'il lui vallut arrestation et perte de ses biens, dont des tableaux de maître. S'il fut plus tard qualifié de "réactionnaire" par Trotsky, logique, c'est peut-être qu'il avait deviné quelque passe-passe en usage au royaume des bolcheviks... et du peuple russe en général.
Cette réédition historique, et volumineuse, sera l'excellente occasion de ramener en lumière Claude Anet, disparu en janvier 1931. Celui-ci, d'origine suisse, avait débuté dans la Plume et la Revue blanche dans les années 1890, après avoir remporté la deuxième édition du tournoi de Roland Garros. Voilà qui n'est pas ordinaire, pas plus que la dédicace à son ami Félix Fénéon d'un volume des années vingt intitulé Feuilles persanes...

Evidemment, le replet volume paraîtra en octobre prochain, chez Phébus, pour marquer le quatre-vingt-dixième anniversaire d'un événement fondateur du siècle dernier.



Note -1- Une belle occasion d'écouter encore le "No more heroes" des Stranglers (1977) dont nous ne nous lassons. Ils se demandaient, ces quatre lascars en noir, ce qu'il était advenu des héros qui avaient enflammé leur Rome, et notamment de ce Léon T. qui à cette terrible affaire gagna un pique à glace.

Whatever Happened To Leon Trotsky ?
He Got An Ice Pick
That Made His Ears Burn


-2- John Reed (1887-1920) n'eut pas longtemps les faveurs du nouveau régime, dit-on. Après avoir été préfacé par Lénine (1917), il aurait été inquité pour trafic et aurait pu mourir dans les geôles. De maladie, dit-on, si l'on imagine que l'on pouvait attraper le typhus à Petrograd ou à Moscou en avalant une papaïe (la population en était quasiment à manger des briques). Mais en ces rouges années on était souvent malade près de l'Institut Smolny, puis aux alentours du Kremlin. Pour autant, on y mourait en héros de la révolution. Il fut donc dit que ce héros de la révolution était mort en héros de la révolution. Allez savoir. Victor Serge nous dit qu'il est mort en héros de la révolution. Mais il fut dit aussi qu'il avait été inquiété pour trafic de diamants. Quoiqu'il en soit, les plus informés des anonynautes, savent bien, eux, qu'il dort aux côtés de Lénine ou pas loin. Bref, il reste à fouiller les sources pour savoir ce qu'il en est de la vraie fin de John Reed. On ne risque pas de s'en tenir au martyrologe bolchevik pour savoir le vrai. Pas vrai ? (7/11/2007).

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