Butler was here (pour en finir avec la rentrée littéraire, op. III)

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Si l'on n'est pas parvenu, comme c'est prévisible, à décider qui de ... ou de ... il valait mieux ne pas lire en ce somptueux mois de septembre, l'Alamblog, qui se décarcasse pour vous tirer d'affaire, chères nautes, chers nautes, en même temps que le Préfet maritime se débrouille pour ne pas lire de mauvaises nouilleries, soyons clair, vous conseille de jeter une paire d'yeux à L'Ami Butler de Jérôme Lafargue.
S'il ressort de cette catégorie d'ouvrages consacrés à la fiction de la fiction, ou à la littérature sur la littérature, genre un peu... galvaudé, il semble que Jérôme Lafargue s'en sorte très honorablement. Par une sorte de subterfuge à malices, il promène une paire de jumeaux au royaume des écrivains imaginaires, sur une terre plane, dans un bourg anagrammatique où la fiction semble la règle, ou l'oxygène, ou le sens premier de la vie.
Lors de la disparition de son jumeau et de l'épouse de ce dernier, un homme, vaincu par une maladive fatigue, plonge dans les écrits de son écrivain de frère et y découvre la nature de son activité dernière : la création d'écrivains non nés. Dont une étonnante jeune femme d'Amérique latine, source cachée des grandes productions fantastiques du siècle dernier.
C'est plus qu'il en faut pour laisser aller une plume alerte dans les dédales de la création où l'affre pululle.
De fait, le frangin et sa douce, mortellement atteinte par la maladie, vont rejoindre les limbes de la Création incréée, imaginaire, potentielle, si ce n'est impossible, en optant pour la disparition subite. C'est la que la gendarmerie intervient.
L'exercice de Jérôme Lafargue est plaisant, même s'il conclut trop aisément son aventure (on aurait aimé quelque subterfuge supplémentaire... forcément). Surtout, il laisse à tout enquêteur en matière historique une impression étrange en montrant par antiphrase - mais ce dernier ne le savait-il pas ? - que tout exercice biographique est un leurre et, surtout, un faux composé d'approximations. Impossible de cerner de près un être de chair dans ses aspirations et ses douleurs : il reste l'hypothèse, la conjecture et la conclusive exagération. Un prochain billet consacré à la face dadaïste de Lénine permettra sur ce point quelques remarques additionnelles.
Bref, tout fasciné qu'il est par l'Auteur, Jérôme Lafargue se livre à un exercice brillant sur la trace de quelques fictionneurs émérites. Il va devoir trouver désormais une autre source d'inspiration que la littérature et nous montrer comment il fictionne sans les béquilles de l'histoire littéraire. Pas mal, assurément, mais encore...
Il apprendra par là qu'on n'attise jamais l'appétit des lecteurs sans prendre par anticipation quelques risques futurs.
Et qu'il ne nous fasse pas le coup de disparaître, on ne le croirait pas.

Jérôme LAFARGUE L'Ami Butler. — Meudon, Quidam Editeur, 2007, 191 p., 18 euros

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