La réception d'un catalogue de librairie d'ancien est toujours, pour l'amateur, un moment de grande fébrilité. C'est, rien n'est à négliger, assez souvent l'occasion d'apprendre. Un catalogue reçu ce matin vient de le faire. On y lit :
451. ROMAINS, Jules. Retrouver la foi, Flammarion, 1945 : 7 €.
452. Le même, qq. rousseurs sur la tranche : 20 €.
La rousseur a enfin acquis son statut d'élément constitutif de la décoration et de la valorisation d'un livre.
Nul doute que nous verrons bientôt apparaître au détour d'un catalogue futur :
1. GUTENBERG, (Johannes Gensfleisch dit). La Bible. 42 lignes typographiées par colonne. 2 volumes sur parchemin, reliure et enluminures d'époque. État parfait : 300 €.
1 bis. Le même, manque le premier tome, tome 2 incomplet imprimé sur papier, larges traces de mouillures avec atteinte au texte, la reliure a été ôtée pour en faire un sous-main. Rare en cet état : 2.000.000 €.
Christian Laucou
1 De Régis Messac -
(Considérations sur la vie posthume des livres, suite)
Anatole France l'a remarqué, la lecture des catalogues de bouquiniste est une des plus attachantes qui soient. En parcourant les nécropoles livresques, c'est tout un monde, tout un peuple, des peuples, des foules qui se lèvent devant vous, qui surgissent de la poussière et du limon de l'encre d'imprimerie. Il arrive même parfois qu'on se rencontre soi-même parmi ces défunts. C'est une singulière aventure, et ça vous fait un drôle d'effet. C'est ce qui m'est arrivé encore l'autre jour, où je suis tombé, en lisant un catalogue, sur la mention suivante :
7646 MESSAC (Régis). Le « Détective Novel » et l'influence de la pensée scientifique. Paris, Champion, 1929, fort vol. gr. in-8, br. (381).
Forme le fasc. 59 de la Bibliothèque de la Revue de littérature comparée.
On se demande vraiment ce qui a pu pousser tant d'inconnus, destinés à rester inconnus, à composer de gros bouquins, destinés à n'être jamais lus ? Quel espoir, quelle illusion ; quel feu follet poursuivaient tous ces gens, auteurs de tous ces bouquins, dont les titres se succèdent comme autant de pierres tombales ? (...)
Régis Messac
octobre 1938