Groslier du Mékong

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Hier avait lieu à la Galerie Rauch (3 passage Rauch), à Paris, la présentation d'Eaux et lumières, un texte précieux de George Groslier.
George sans s, précise-t-on d'emblée, comme pour Sand, à la différence près que Groslier était un homme, et pas n'importe lequel.
Son existence fut remarquable, et l'approfondissement de notre connaissance des recoins de l'histoire coloniale devrait le prouver.
Pour commencer, et ça ne manque pas de sel, George Groslier, administrateur colonial fut celui qui eut la responsabilité d'arrêter le jeune arriviste André Malraux dans ses opérations de découpe du patrimoine lapidaire khmer.
Une belle carte de visite qui lui valut très probablement d'être ignoré par la métropole.
Il eut de plus la double et pénible malchance de mourir, sous la torture, le 18 juin 1945 au Cambodge où il participait au titre d'opérateur-radio à la résistance contre les Japonais.

En 1996, les éditions Kaïlash avait réédités deux de ses volumes, La Route du plus fort (1926) et Le Retour à l'argile (1929), douze ans plus, c'est son journal de route au fil du Mékong qui reparaît à La Bibliothèque. L'édition originale avait paru en 1931 à l'enseigne de la Société d'éditions géographiques. George Groslier s'y montre un parfait écrivain, si ce n'est un poète. Né au Cambodge le 4 février 1887, George Groslier se consacra tout entier à son pays après avoir suivi ses études aux beaux-arts à Paris et subir la déception d'un second Prix de Rome. De retour auprès des siens, il découvrit Angkor et se passionna pour l'art khmer, entama une série de conférences et publia des essais qui lui valurent d'obtenir une mission du Ministère de l'Instruction publique et de la Société Asiatique en 1913-1914. Plus tard, il créa l'école d'art de la colonie et le Musée Albert Sarraut, inauguré en 1942, dont il fit le Louvre de l'art cambodgien. Il multiplia encore les initiatives relatives à l'artisanat local à l'échelle nationale et internationale.
A partir de 1926, il ajouta encore, et avec bonheur, la flèche littéraire à son carquois en produisant des romans et des récits qui témoignaient des contacts, difficultés et émerveillements de l'Occidental en Asie. Eaux et Lumières en est l'un de ses plus beaux écrits (nous n'avons pas tout lu encore) : engagé dans une tournée de recensement des pagodes, George Groslier y décrit par le menu et avec une immense grâce son périple le long des nombreux bras du Mékong. L'évocation des villages ou d'un vieil arbre déraciné sombrant dans la rivière sont de pure beauté. Un "bijou posé sur le fleuve", dit son nouvel éditeur, et il n'a pas tort.




George GROSLIER Eaux et Lumières. Journal du Mékong cambodgien. — Paris, La Bibliothèque, 2008, 208 p., 16 euros
La Route du plus fort. — Pondichéry-Paris, Kaïlash, 1996.
Le Retour à l'argile. — Pondichéry-Paris, Kaïlash, 1996.

Sur George Groslier
Bernard Hue Littératures de la péninsule indochinoise (Paris, Karthala, 1999).
Alain Ruscio Amours coloniales : aventures et fantasmes exotiques de Claire de Duras à Georges Simenon (Bruxelles, Complexe, 1999).
Henri Copin L'Indochine des romans (Pondichéry-Paris, Kaïlash, 2000).
Christophe Loviny Les Danseuses sacrées d'Angkor (Paris, Seuil, 2002).

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