Jean Royère se dévoile (André Gide beaucoup moins)

GideRoyere.jpg



On devait aux efforts conjugués de Vincent Gogibu et des éditions Nicolas Malais (ex-éditions du Clown lyrique) un premier opus relançant Jean Royère, feu fonctionnaire, poète et directeur de La Phalange, revue des plus fameuses… autrefois. Après avoir brillamment bataillé, et après avoir accueilli en son sein la foule des bonnes plumes du temps, cette revue s’est elle aussi cassé les dents sur la NRf et son consortium d’intérêts conjugués.
Il faut le dire : au XIXe, on en était, ou on n’en était pas. Et Jean Royère n’en était pas. Du tout. Avec un sens naturel de la préservation face à la machine de guerre commerciale de la maison concurrente, il était même tout à fait contre. Sa correspondance avec Valery Larbaud en porte la trace où sont qualifiés Gide et la NRf de “vieux forban” et de “revue de cons”.
Cette correspondance inédite éclaire donc les liens ambivalents qui unirent deux écrivains directeurs de revues, un temps. Un lien très ténu du reste, Royère réclamant de la copie, pronostiquant une alliance mémorable des deux titres et ne voyant rien venir. Il pratique cependant une court assidue à ce “cher maître” qui se tient méticuleusement sur la réserve : on le sent nettement, La Phalange compte, parce qu’elle a un catalogue, une audience, une collection, mais son patron n’existe guère, et certainement pas comme poète, quoi qu’il imagine à la fin de sa vie. André Gide est autrement assuré de son pouvoir, et de son talent. Il sait aussi manoeuvrer en eaux troubles, témoin ce billet de 1911 :

Mon cher Royère,
Eh ! eh ! Le temps se dégourdit… La température devient propice. A bientôt j’espère ; mais déjà bien cordialement vôtre.
André Gide

Bref.
On peut encore remarquer une bizarrerie de cet ensemble de lettres : jamais les aspirations italiano-mussoliniennes, pour ne pas dire fascistes, de La Phalange n’y affleurent.
Aussi, ces cinquante-trois lettres, essentiellement de Royère, remettent au jour cette figure oubliée, mais la remettent à sa place : celle d’un directeur de revue plein d’illusions sur son poids symbolique, pris au piège des flatteries de réseau, bien incapable de sentir que son rôle sera vite oublié.
Une leçon d’humilité ?

A toutes fins utiles, nous vous signalons que les éditions Nicolas Malais annoncent pour le tout début d’août un double inédit d’Edmond Rostand : une pièce inédite accompagnée d’une correspondance amoureuse relative à la pièce elle-même. La curiosité nous chatouille…


Jean Royère et André Gide « Votre Affectueuse Insistance ». Lettres (1907-1934), réunies, annotées et présentées par Vincent Gogibu. - Paris, éditions Nicolas Malais, 16 €. Il a été tiré 30 exemplaires sur papier vert numérotés et signés par les éditeurs, ils sont agrémentés d’un tiré à part du portrait de Jean Royère (30 €).


Offre spéciale
Jean Royère et André Gide Lettres (1907-1934) + Jean Royère, En Avignon (éditions du Clown Lyrique, 2008) : 20 € (frais de port offerts).

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Haut de page