Squelette vivant (1825)

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Il est arrivé à Londres un squelette vivant qu'on doit exposer à la curiosité publique. C'est un Français âgé d'environ 28 ans ; il a cinq pieds dix pouces anglais. Son père et sa belle-mère l'accompagnent ; ils prétendent qu'il a toujours été dans le même état ; que, depuis l'âge de quatorze ans, il ne grandit plus ; qu'il n' jamais été malade, mais qu'il éprouve une douleur dans le côté. Sa figure est un peu cadavéreuse ; et, à sa première vue, on croit voir la tête d'un Chinois. Les lèvres sont épaisses, les sourcils arqués, les yeux enfoncés, les os de la joue sont très élevés, et le crâne est défectueux dans tout ce qui a rapport aux organes intellectuels, la partie de derrière de la tête est considérablement aplatie, et l'organe auquel les disciples de M. Spurzheum donnent le nom de primogenitiveness, manque entièrement ; sa voix n'est pas très faible, et elle est assez agréable ; il est très large des épaules, et l'épine supérieure du scapulum présente une élévation extraordinaire. Le cou est extrêmement court et gros. Le sternum est très aplati, et se rapproche à un pouce et demi de la colonne vertébrale. On peut sentir l'action du coeur un peu au-dessous de la papille gauche, qui est beaucoup plus abaissée que de coutume ; il en résulte que le siège de la vie est dans une position qui n'est pas naturelle. En plaçant l'oreille sous l'épaule gauche, on peut entendre les pulsations dans toutes les autres parties du corps ; elles sont très faibles ; on voit les côtés distinctement ; l'abdomen paraît très affaibli, et la région pelvi-trochanterienne est entièrement privée de liens musculaires ; on n'aperçoit aucune trace des muscles glutineux. Les extrémités supérieures sont très affaiblies et ne présentent aucun muscle. Les os de la cuisse ne paraissent couverts que de tégumens ordinaires, et n'ont ni graisse ni muscles. Quant aux mains et aux pieds, ils ne présentent que l'apparence d'un amaigrissement ordinaire. Ce squelette a à peine la force musculaire nécessaire pour soulever ses extrémités, et il est probable qu'il pourrait difficilement porter avec la main un poids d'une livre. On assure qu'il marche un peu sur un terrain uni ; mais sa belle-mère le porte quand il faut monter des escaliers. Il sera peut-être impossible de découvrir la cause de cet état contre nature. Sir Astley Cooper qui l'a examiné avec le plus grand soin, croit qu'il faut l'attribuer au défaut de place pour l'action du coeur : mais cette observation s'applique également aux autres organes vitaux. La poitrine est d'une manière remarquable, comme si, depuis plusieurs années, un poids considérable avait pesé dessus ; et le coeur, comme nous l'avions déjà dit, est tout-à-fait hors de sa position naturelle. Il ne prend que trois onces de nourriture par jour, et sa boisson ordinaire est du cidre.


Le Diable boîteux, feuilleton littéraire. Journal des Spectacles, des Moeurs, des Arts et des Modes, n° 211, samedi 30 juillet 1825, pp. 3-4.

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