Sur Georges Fourest, l'épigramme, etc. (1935)

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Symbolisme. — Gustave Flaubert mit — dit-on — sept ans à écrire Salammbô, faisant passer, épreuve éliminatoire, chaque phrase dans son « gueuloir ».
M. Georges Fourest a-t-il occupé douze années à limer, polir les rimes de son Géranium Ovipare qui parut récemment ?
M. Georges Fourest restera célèbre dans les Lettres par son célèbre volume La Négresse blonde qui demeure comme une stèle évocatrice, une borne milliaire parmi le périple des syntaxes et parut en 1923.
Cet auteur modeste et sage pourrait revendiquer bien des titres et des paternités récentes : dadaïsme, surréalisme, intentionnisme, ectceterisme.
A l’heure où l’Académie Française réduit notre vocabulaire, refoule turbin, postiche et autres gracieusetés, M. Georges Fourest créait des néologismes sonores et coruscants.
Ce coffre d’orichalque, ocellé de sardoines
Et doublé de Sâmit qu’autrefois Gengis-Khant
Offrit à mon grand-père, semble, des plus idoines,
A recevoir mon corps aimé des Dinicans.
On lui doit ce « Carnaval des chefs-d’oeuvre » où Iphygénie est ainsi résumé :
Lors, ayant dégainé son sabre, le Maître
Des peuples et des rois jugule son enfant,
Et braille : « Cela fera baisser le baromètre ! »
Le Cid devient schématiquement :
Dieu ! soupire, à part soi, la plaintive Chimène,
Qu’il est joli garçon, l’assassin de papa !

L’ESPRIT DU JOUR. — Un de nos confrères complète ainsi la série des epigrammes à la mode.
Côté du pont des Arts, à propos des derniers lauréats de la compétition académique :
Son cap nasal s’étend d’Orthez à Douarnenez.
C’est l’orateur-nez.
il s’agit, vous l’avez deviné, de M. Léon Bérard qui unit l’esprit de Cyrano au courage de Don Quichotte.
Cet autre épigramme — est-ce assez lisible ? — concerne le duc de Broglie, le jeune et érudit savant :
Son physique est ingrat : le choix académique
S’est donc plutôt porté sur sa belle physique.
Côté politique. Quel est le parlementaire, ombre fidèle et ambitieuse d’un puissant du Jour, qui mérita ces rimes :
Il n’est d’ascension, de sommet qu’il ne vise…
Attention : I’Eminence grise !
L’épigramme règne. Elle a détrôné le sobriquet, si abondant et piquant à l’époque où M. Raoul Hervieu était baptisé : « Un Corneille qui abat des lois » ; Réjane : « Qui ne dit mot qu’on sent. » Félicia Litvine dont le péplum grec cachait mal des beautés plantureuses : « Tanagra-double » ; Paul Ardot, artiste d’une laideur prétentieuse aux coquetteries quasi féminines et — par hasard natif de Rennes : « Il est vilaine » et M. Chauchard, directeur du Louvre, à la barbe neigeuse : « Exposition de blanc. »
(…)

Pierre de Trévières


Femme de France, rubrique “Paris et ailleurs”, n° 1049, 16 juin 1935, p. 12.
Version image sur Gallica avec, en prime, une photographie de la belle Barbara Hutton.
Sur Georges Fourest, un vieil article.

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