On ne se lasse pas d'Audiberti




« Occidentale, accidentelle, la France, pourtant, c’est la betterave. Nos émeutes furent fondées sur le pavé, sur les barricades, la pierre, le bois. Une lourdeur agricole et mauvaise emplit Villon et Rabelais, joue dans Molière, rebourgeonne dans Péguy et Claudel. Elle toisonne les poings frappeurs de la police à pèlerines. Elle alimente l’indécence gastronomique de nos araignées de boeuf Montespan. En accord avec la stupidité funèbre allemande, elle enfouit, des années durant, dans les tranchées de l’Aisne et de la Somme, ventre sanglant qu’on appelait le front, des centaines de milliers d’hommes français d’Aurignac et de Cro-Magnon sortis de leur caverne, un couteau à fromage dans la poche, harnachés de rouge et de bleu, couleurs théosophiques et philosophiques, mais incapables de comprendre goutte aux théorèmes et discours de nos Poincaré.
« Nous sommes Lozère. Nous sommes Bretagne. Nous sommes même la France, Mareil-en-France, Roissy-en-France, terre à betteraves, l’éblouissant édredon framboise Lévitan dans les masures retapées sur les essarts de Combs-la-Ville. Notre langue est table rase, attente et préhistoire. Racine et Victor Hugo, si ça se trouve, naîtront. »




Jacques AUDIBERTI (avec Camille Bryen) L’Ouvre-boîte. Colloque abhumaniste. - Paris, Gallimard, 1952, pp. 51-52.


On trouve ici l’Association des Amis de Jacques Audiberti.

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