My books, my books (Filadelf Gorilla)

chiromonkey.jpg.gif J.-L. Faure, Chiromonkey



« My books, my books ! »

C’est le cri qui sort de la bouche d’un expirant savant.

C’est le grand singe dégénéré, Dickens, ce moribond célèbre, qui déjà près de la tombe dans son râle et en rendant son dernier soupir ne se souvint ni de ses amours, ni de sa patrie, ni de son foyer ; il ne pleura ni la lumière comme Antigone, ni la belle nature, ni la lune, les étoiles, une aube matinale, les oiseaux qui chantent, les brebis qui paissent, les moutons qui bêlent ; il ne regretta ni les rivages pittoresques de Portsmouth, ni les flots, ni les vagues, ni les sillons que tracent les barques des pêcheurs sur la mer, ni le ciel en pourpre au coucher du soleil, ni les nuits silencieuses des campagnes, ni les roses riantes, les jasmins et les belles orchidées de l’Angleterre ; il ne regretta rien de tout cela, le cruel. Il ne regarda ni en haut, ni en bas, ni la terre, ni la voûte du ciel, ni les enfants, la femme, les amis, les parents, ses admirateurs !… En expirant, le grand auteur de « Nicolas Nickleby » poussa deux seuls mots de sa poitrine déjà refroidie ; et les pieds déjà dans la tombe, en se redressant pour la dernière fois, il s’écria comme un fou : « Mes livres, mes livres ! » et sur ces mots il retomba un cadavre!… Oh ! quelle folie et quel crime !

Et on érige des statues à Gutemberg (1), ce grand criminel, qui changea la terre en un triste cimetière !… Napoléon, César, Attila, Alaric, Tamerlan, Alexandre et Bismarck qui tuèrent des milliers d’hommes, qui amputèrent, estropièrent, rendirent borgnes ou boiteux des millions de mortels, ne furent que les vrais éclaireurs qui donnèrent la vie, la santé, la force à cette humanité qui meurt en demandant ses livres, ces papyrus pourris, ces pâtes vilaines, pleines de microbes et des bacilles des poitrinaires, celte pâte, qui affiche le monopole de répandre la lumière avec l’encre noire et sombre des infirmeries !

Brûlez-les ces livres maudits, brûlez-les et faites en un incendie pour désinfecter l’air, pour purger les villes !

Vous vous consumez comme des chandelles, vous fondez comme la cire sous vos lampes inspiratrices, avec vos lunettes d’aveugles !… Toute la terre ressemble à une forêt allumée, qui brûle, qui s’extermine. Ce feu, c’est beau, superbe. Cet incendie est grandiose et beau, mais ce sont des forêts qui brûlent et dépérissent, ce sont des êtres humains qui se consument. Brûlez les livres, plutôt que de vous torréfier vous-mêmes. Mettez le feu aux bibliothèques, aux salons littéraires, aux librairies, aux écoles, à la Sorbonne, aux Académies, aux théâtres, aux collèges, avant qu’un nouveau Bismarck y dirige ses obus funestes ! Demain sera la réaction. Après Périclès, c’est Lysandre ; après Auguste, Néron ; après le Christ, Attila ; après Voltaire, Bonaparte ; après Lamartine, Hugo et Goethe, Bismarck et les communards !… Ainsi, attendez de jour en jour votre Néron !



Filadelf Gorilla


(1) Sic

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