Le bourrage de crâne a de l'avenir (I)

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Avec toute l'apparence du sérieux, tout un chacun se sent autorisé à parler aujourd'hui du "livre numérique". Et même à le recommander.
C'est oublier un peu que la technologie reste un argument industriel et qu'il s'agit de nous rendre "désirable" le livre dématérialisé et produit et achetable. Aussi interroge-t-on le quidam qui ne lit pas un livre par an, l'éditeur branché et les libraires qui n'en peuvent mais, lesquels causent, dégoisent, recommandent à la nation ébahie (ou plus certainement indifférente).
C'est d'ailleurs la troisième ou quatrième campagne de bourrage de crâne sur le sujet depuis une paire de lustres. Les précédentes ont fait des flops retentissants, engloutissant les ors de quelques investisseurs technoconfiants. Cependant, l'intervention récente de MacIntosh semble avoir pertubé les esprits les moins fermes, pour ne pas dire les plus vacillants.
Charles Recoursé, éditeur au Diable Vauvert, répondait par exemple aux questions d'Aujourd'hui en France le 15 février 2010, et par les effets d'un découpage aléatoire et d'un hasard objectif ses réponses nous sont tombées sous les yeux. On y lit ceci :

"être opposé au livre numérique aujourd'hui, c'est comme être opposé au livre imprimé à l'époque de Gutenberg".

Au-delà du caractère glissant du raccourci - qui nous évoque l'allant des sectateurs du nucléaire de naguère, ou de l'amiante -, il serait bon de ne pas tout mélanger en matière d'histoire du livre (discipline à part entière) : publier un livre "à l'époque de Gutenberg" pouvait conduire au bûcher, par exemple, et il n'est guère prévu de loi contre les lecteurs de papier.
Du moins pas pour l'instant*.
Poursuivons :

Un livre est un espace fermé, avec un début et une fin. Avec le numérique, des auteurs vont travailler différemment : en y incluant des sons, des vidéos, des renvois au Net...

Nous n'avons pas le plaisir de connaître Charles Recoursé, mais nous constatons, outre son goût pour la béance des huis, qu'il semble ignorer la préexistence des bases de données, des Cd-Rom et des DVD. Pour autant, qu'il déclare sans frémir que le livre n'est rien de moins qu'un "espace fermé" (un éditeur !) montre que le bourrage de crâne des technodevins va bon train, que les inquiets craignant de passer pour des has been sautent dans le train en marche et se pètent la gueule en racontant n'importe quoi, tandis que la presse continue de poser des questions vides de sens à des gens qui n'ont pas de réponse construite à fournir.
Alors, pour informer vraiment ceux qui croient que nous vivons une époque formidable (il en reste), nous conseillons ardemment de lire l'essai d'Alain Giffard sur la "lecture numérique" publié dans le volume collectif intitulé Pour en finir avec la mécroissance (Flammarion, 2009).

En ce qui nous concerne, nous risquons bien de ne pas plonger dans les livres "espaces fermés" au diable vauvert. Il reste assez d'oeuvres formidables et ouvertes ailleurs.



  • On pourrait imaginer un délit d'"entrave au PIB par non-consommation de produit" !

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