Prix du tractorisme dialectique décerné à Mikhaïl Mikhaïlovitch Onfrayovitch (Etienne Cornevin)

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Nos correspondants de l’académie de Mourmansk sont heureux de nous annoncer que le prix du tractorisme dialectique a été décerné à l’unanimité au camarade Mikhaïl Mikhaïlovitch Onfrayovitch pour son livre : « Les affabulations du tractoriste Simon Lajoie ».


Dans une langue remarquablement pondérée et concise (3500 pages seulement), le camarade Mikhaïl Mikhaïlovitch Onfrayovitch, diplômé de la haute école de tractorisme élémentaire de Mourmansk, démontre les nombreuses insuffisances du tracteur Lajoie, adopté depuis longtemps par la plupart des travailleurs agricoles des pays capitalistes : – il creuse des sillons ondulés qui font ressembler les champs labourés à des vagues, au lieu de la belle ordonnance militaire des champs socialistes – le labour n’est jamais vraiment terminé, et doit constamment être recommencé – le moteur est compliqué et ne peut être réparé que par des mécaniciens spécialistes qui ont fait des années d’études supérieures – il arrive très souvent que les tracteurs Lajoie buttent sur des vestiges archéologiques, et il faut alors interrompre le labour pendant des semaines, des années ou quelquefois pour toujours – les machines Lajoie sont capillotractées, c’est-à-dire que des cheveux servent de courroies de transmission, ce qui nécessite l’entretien d’une abondante pilosité tout à fait contraire à l’aspect calvitoglabre du tracteur Oulianov qui a notre préférence depuis la Grande Révolution – les conducteurs se prennent pour des artistes et abreuvent les sillons de liquides impurs simplement pour faire joli !


La partie la plus novatrice de l’étude du camarade Mikhaïl Mikhaïlovitch Onfrayovitch porte sur la personnalité de l’inventeur du tracteur Simon Lajoie (qui s’appelait – c’est une des nombreuses révélations du livre – Simon Lajoie). On se doutait bien qu’il s’agissait d’une hyène capitaliste décadente, mais la réalité dépasse les suppositions les plus hardies. Personne ici ne lui reprochera de n’avoir pas aimé les femmes ni les pédérastes, le tractorisme n’est pas une profession de tapettes, mais Simon Lajoie était un affabulateur, qui a présenté son tracteur comme un nouveau modèle de Formule 1, et comme un modèle tout terrain, alors qu’en haute montagne, sur un lac gelé ou dans les fosses marines il est inutilisable ! De plus, Simon Lajoie était un arriviste qui n’a pas hésité à prendre à rebours toutes les idées courantes en matière de tracteur pour devenir plus vite « rich and famous ». Simon Lajoie était cupide : il avait installé un carré de terre dans son deux pièces/cuisine sans ascenseur, et il le retournait tous les jours avec un tracteur miniature en récitant la fable du Laboureur et ses enfants. Simon Lajoie était incestueux, allant jusqu’à coucher avec son tracteur (qui était comme son fils). Simon Lajoie était superstitieux : il faisait abreuver de blé les sillons que ses tracteurs avaient creusé pour conjurer la stérilité. Simon Lajoie était paranoïaque : il expliquait à tout le monde le fonctionnement de son invention pour empêcher qu’on ne la lui vole.


On pourrait continuer ainsi assez longtemps, car il était en outre névrosé, dépressif, phobique, hypocondriaque, fumeur invétéré, drogué et avait bien sûr des sympathies pour les fascistes italiens. En lisant l’essai du camarade Mikhaïl Mikhaïlovitch Onfrayovitch, tous les tractoristes authentiques – et alphabétisés – oscilleront entre l’indignation, le mépris, le dégoût et le doute : se peut-il donc que l’un de ceux qui ont le plus fait pour la modernisation du tracteur nous aie fait à de nombreux égards régresser en deçà des attelages de bœufs traditionnels ? Hélas, le camarade Onfrayovitch a rassemblé des preuves accablantes : le tracteur Lajoie n’était qu’une illusion, et cette illusion n’a plus d’avenir.


Etienne Cornevin (Nouvelles-Hybrides)

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