Mascarade

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Gabriel Chevallier est un grand écrivain.
Si la plupart des lecteurs de générations chenues a gardé en mémoire ses fantaisies de Clochemerle (Presses universitaires de France, 1934), le Lyonnais Chevallier (1895-1969) a conquis de haute lutte, mais lentement, sa place au soleil des morts. La Faute à Clochermerle, justement, qui a contenu ses livres dans le no man's land des publications désinvoltes, facétieuses, amusantes, dont on ne se permet d'avouer la lecture. Et comment donc ! Un pitre !!

Sauf que Gabriel Chevallier n'avait rien d'un pitre et qu'il a fallu la réédition de La Peur en 2002 (Le Passeur-Cécofop) à l'initiative judicieuse d'un fils d'éditeur, pour que les lecteurs français sans accointance lyonnoise s'en aperçoivent. Exit la voie unique de Clochemerle - dont les rééditions n'ont jamais cessé, même si les "suites" de l'opus fondateur n'ont pas connu le même succès éditorial : Clochermerle-les-Bains, Clochemerle-Babylone (1)

Bref, Gabriel Chevallier est un grand écrivain, et deux livres le prouvent : La Peur et Mascarade, le recueil de cinq récits très impressionnants d'un point de vue littéraire, et fort brillants du point de vue de l'observation des êtres. Deux nouvelles paraissent immédiatement hors normes : "Le Crapouillot" et "Tante Zoé" qui auraient dû valoir à Chevallier des louanges incessantes.

Dès les premières pages de ces deux récits, on constate à quel point le colonel V... et le père du narrateur de "Tante Zoé" sont deux personnages passionnants. La tante elle-même, fruit paradoxal de générations et de générations de vieilles filles, n'étant pas de moindre envergure. C'est même une nature dont on fait les... Mais, non, restons discrets et ajoutons seulement qu'en lui fournissant militaires dans les tranchées ou vie de famille cahotante, le monde a fourni une matière formidable à Gabriel Chevallier. Et le moindre de ses talents ne fut pas de savoir lui faire rendre tout son jus. D'ailleurs, si l'on ajoute à ces deux chefs-d'œuvre le destin d'un collabo, les derniers jours d'un propriétaire de trésor ou la cohabitation d'un assassin et d'un perroquet - qui ne manquent pas d'allure non plus - vous obtenez le recueil de nouvelles gratinées le plus plaisant qui soit (2). En somme, après Calet, Guérin, Bove, Maurice Raphaël (3), et tous les autres, voici venu le temps des retrouvailles avec Gabriel Chevallier.



(1) Une occasion de signaler la bonne cité de Machonville imaginée dans la foulée par un Marcel-E. Grancher qui avait flairé le filon en 1942 dans des romans jamais réédités quant à eux.
(2) Et un parfait cadeau de Noël...
(3) On pense tout naturellement à l'extraordinaire nouvelle intitulée Le Piano, la Naine et les chiens (Grenoble, Cent Pages, 2005, 46 p. 8 €).

Gabriel Chevallier Mascarade. — Paris, Le Dilettante, 317 p., 22 €
- La Peur. — Paris, Le Dilettante, 349 p., 22 € ; Paris, LGF, "Livre de poche" (n° 31906), 408 p., 6,95 €
- Clochermele. — Paris, LGF, "Livre de poche" (n° 252), 376 p., 6 €

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