Eaux-fortes de Buenos Aires : Roberto Arlt dévoile tout le bazar...

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A ceux qui douteraient encore de l'intérêt cardinal des Eaux-fortes de Buenos Aires de Roberto Arlt, ce dernier fragment qui conclue le recueil de ses chroniques - il y répondait à un correspondant soucieux de lectures proposant un "concept clair" de l'existence.
Si l'on sait qu'Arlt s'est suicidé, on n'oublie pas qu'il a exprimé maintes fois des vérités bonnes à dire...



L'écrivain comme opérateur
Si vous connaissiez les coulisses de la littérature, vous vous rendriez compte que l'écrivain est un monsieur dont le métier est d'écrire, comme d'autres font des maisons. Rien de plus. La différence, c'est que les livres ne sont pas aussi utiles que les maisons et aussi... que celui qui fabrique des maisons n'est pas aussi imbu de sa personne que l'écrivain.
A notre époque, l'écrivain souffre d'un nombrilisme exacerbé. Il baratine à souhaite. Il trompe l'opinion publique, sciemment ou non. Il ne se remet pas en question. Il croit que ce qu'il écrit est vrai du simple fait qu'il l'écrit. Il est le centre du monde. Ceux qui ont même du mal à écrire une lettre à leurs proches croient que la mentalité de l'écrivain est supérieure à celle de leurs semblables, et ils se trompent, tant à propos des livres que de leurs auteurs. On écrit et on signe ses écrits pour gagner sa croûte. C'est tout. Et pour gagner sa croûte, on n'hésite pas quelquefois à affirmer que ce qui est blanc est noir, et vice-versa. On se permet même parfois d'être cyniques, de rire ou de se prendre pour un génie...


L'art de désorienter
La plupart des écrivains - et je m'y inclus - ne font que désorienter l'opinion publique. Les gens cherchent la vérité et nous, nous leur donnons des vérités erronées. Ce qui est blanc, on le présente comme noir. C'est un aveu douloureux, mais c'est ainsi. Il faut écrire. En Europe, les auteurs ont leur public, et ils offrent à ce public un livre par an. Pouvez-vous crorie, de bonne foi, que l'on puisse écrire, en un an, un livre qui contienne des vérités? Non, monsieur, ce n'est pas possible. Pour écrire un livre par an, il faut baratiner. Enjoliver. Faire du remplissage.
Voilà le travail, voilà le métier. Les gens reçoivent la marchandise et croient que c'est de la matière première, alors qu'il ne s'agit que d'une contrefaçon grossière, tirée d'autres contrefaçons, elles-mêmes inspirées par des contrefaçons.


Concept clair
Si vous aspirez à un "concept clair" de l'existence, vivez. Pensez. Travaillez. Soyez sincère. Ne vous mentez pas à vous-même. Analysez. Etudiez-vous vous-même. Le jour où vous vous connaîtrez parfaitement, souvenez-vous de ce que je vous dis : vous ne trouverez pas dans un livre la moindre idée qui vous surprenne. (...)





Roberto Arlt Eaux-Fortes de Buenos-Aires. Traduction d'Antonia Garcia Castro — Paris, Asphalte, 272 pages, 18 €



Asphalte éditions
2, rue Balny-d'Avricourt
75017 Paris
01 43 80 63 52

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