Le squelette et son oeil de verre

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Alfonso Daniel Rodriguez Castelao (1886-1950) n'a pas connu jusqu'à présent les honneurs de l'édition française. Seule son étude sur Les Croix de pierre en Bretagne (Brest, Centre de recherche bretonne et celtique, 1987), fruit d'un séjour en Bretagne de 1929, avait été traduite jusqu'à la parution cet automne d'un petit livre aussi charmant que grinçant chez les Fondeurs de briques : Un œil de verre, mémoires d'un squelette, délice d'humour noir.

On peut s'étonner que l'oeuvre de cet écrivain, dessinateur et homme politique galicien d'importance, membre du gouvernement républicain en exil à Paris dans les années 1946-1950 qui finit son existence à Buenos-Ayres, ne nous soit pas mieux connue... Mais on rattrape le retard, avec beaucoup d'enthousiasme grâce à ces soixante-quatre pages qui promettent beaucoup.

Sans divulguer la moelle du récit, déclarons tout de go qu'un homme, le narrateur, acquiert auprès d'un fossoyeur un manuscrit trouvé dans un cercueil. De quoi se remémorer les vers de Philothée O'Neddy...

Il est doux de sentir des racines vivaces
Coudre à ses ossements leurs nœuds et leurs rosaces
D'entendre les hurrahs du vent qui courbe et rompt
Les arbustes plantés au-dessus de son front (1).

Dans ce manuscrit maculé, un macchabée relate son séjour au pays des morts, ses relations avec ses colocataires de toutes origines sociales et de toutes époques, ainsi que les petits secrets honteux des uns et des autres, jusqu'à leurs promenades nocturnes qu'il décèle grâce à l'oeil de verre qu'on n'a pas ôté à son cadavre.

Humoriste bien campé, Castelao n'avait pas l'œil dans sa poche lui non plus. Pas plus que la langue d'ailleurs si l'on en croit la satire sociale qu'il met en place en si peu de pages, ou bien encore sa conférence de 1920 sur l'humour et la caricature adjointe au petit récit, conférence durant laquelle il agonissait quelques-uns de ses confrères espagnols d'impuissant talent.

Castelao avait de plus un coup de crayon sûr et épuré qui laisse imaginer que l'on découvrirait sans déplaisir d'autres œuvres de lui en français dans les temps qui viennent... Les Galiciens ne sont pas les moins imaginatifs des hommes, c'est bien connu.


Castelao Un oeil de verre. Mémoires d'un squelette. traduit du galicien par Vincent Ozanam - Saint-Sulpice (Tarn), Les Fondeurs de briques, coll. "Sacrilège", 64 pages, 12,00 €


(1) Feu et Flamme, Paris, Dondey-Dupré et fils, 1833, p. 40.

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