Roland Topor inédit

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Dirigée par Frédéric Brument, la collection "Les Insensés" a lancé sur le marché deux ouvrages de Roland Topor (1938-1997) dont on peut vanter ici les qualités.
L'un était bien connu des toporophiles, les Mémoires d'un vieux con, opus bien gratiné de 1975 qui balayait sous la bannière d'André Balland les mémoires vaniteuses ainsi qu'une partie de l'histoire culturelle du siècle dernier. Dans un immense jappement, Topor donnait la parole a celui qui avait tout fait, tout vu, tout inventé, tout soldé. Pour mémoire, ce vieux peintre luxembourgeois avait inventé le cubisme, peint Guernica, écrit le Manifeste du srréalisme, etc.Soit une saine lecture pour les chercheurs en histoire culturelle (littéraire, artistique, etc.) qui auraient à y apprendre la distanciation et la mise en question des sources...

Le Second opus, forcément plus rare, peut être considéré comme l'ultime ouvrage de Topor. Il se compose de textes inédits (et est enrichi, des formidables marque-pages illustrés des fameux photomatons qui illustraient les pages de Charlie mensuel si l'on s'en souvient) : il s'intitule Vaches noires et compte autant de noirceur et d'impertinences que possible. De quoi faire mentir l'un de ses narrateurs lorsqu'il écrit :

Je ne me trouve pas particulièrement rigolo. Plutôt à côté de la plaque. Avec l'âge, l'esprit comique a tendance à s'estomper. Si d'aventure je ris, les sons stridents qui s'échappent de ma gorge m'agacent les tympans. (...)

Les Alamblogonautes n'auront pas de mal à se persuader que leur propre rire va les faire sursauter car à ce petit jeu narquois, pince-sans-rire et acide, Topor a toujours été très fort, au point de constituer un archétype de l'humoriste français.
A titre d'exemple, voici ce qui peut laisser l'imagination vagabonder longtemps :

Tout le monde sait que je rédige un journal intime. Un journal littéraire qui sera publié après ma mort. Je le tiens scrupuleusement depuis le début de l'année et il m'absorbe au point que j'ai renoncé à la majeure partie de mes autres activités. Mais j'ai eu l'imprudence de confier le secret à un ami, il a mis les autres au courant et la curiosité les dévore. Comme je suis sûr qu'elle vous ronge, à présent, parce que je vais parler de vous, ce soir dans mon journal. Pour dire quoi et en quels termes ? ça, motus. Mon journal intime est réservé à la postérité. Les lecteurs qui en auront la priorité ne savent peut-être pas encore lire, ou ne sont même pas nés. mais ils ne perdent rien pour attendre, ils vont se régaler.(...)


Et vous aussi, si vous voulez bien nous en croire. (Toute ressemblance avec des écrivains contemporains n'auraient du reste qu'à y voir un peu. Oh ! très involontairement sans doute...)
En prime, réédition chez Phébus du Locataire chimérique, ce roman de l'étrange sensation et de la conspiration domiciliaire daté de 1964, porté au cinéma par Roman Polanski en 1976 sous le titre Le Locataire


Roland Topor Vaches Noires Préface de François Rollin..- Paris, Wombat, 155 pages, 15 €
--Mémoires d'un vieux con. Préface de Delteil de Ton. - P., Wombat, 178 pages, 25 €
Et aussi
-- Le Locataire chimérique. P., Phébus, coll. "Libretto", 170 pages, 8,10 €

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