C'est la guerre... (Quatrelles)

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XXVIII

Tout cela est atroce, n'est-ce pas ? Que voulez-vous ? C'est la guerre ! une plaie que chantent les poètes ; une héroïque infamie dont il ne faut, parler qu'avec respect ; la guerre, qui a son Dieu souriant : le Dieu des armées.

C'est la guerre, qui fait du meurtre, de la ruse, du suicide, de glorieux devoirs ; qui prêle à l'incendiaire une auréole.

C'est la guerre, qui absout le meurtrier de Regnault, et envoie pêle-mêle.à la boucherie les plus glorieux et les plus misérables.

C'est la guerre, un contre-sens éternel, qui nous dit d'acclamer, parce qu'ils sont infinis, tous les crimes que punit la loi lorsqu'ils sont isolés.

C'est la guerre, qui, sans souci des droits foulés aux pieds, fait des augustes meurtriers qui la déclarent : des demi-dieux dont le profil encombrera les Panthéons, s'ils sont vainqueurs ; des misérables honnis d'âge en âge, s'ils sont vaincus.

C'est la guerre, éternelle école d'héroïsme et d'abnégation, qui fait de l'armée le refuge des sentiments d'honneur et de patriotisme, à l'heure des défaillances.

C'est la guerre, après laquelle des mères souriantes vous disent, les yeux pleins de douces larmes : « Celui-là est mon fils, admirez-le... il a tué vingt hommes ! »

C'est la guerre, le premier besoin du despote, le dernier espoir de l'opprimé; la guerre que je hais et que j'admire, qui, tantôt féroce et aveugle, déchaîne le conquérant ; puis, intelligente et féconde, l'égaré et le mine au profit du vaincu qu'elle régénère. Songez à tout cela, vous qui la déclarez.

Oubliez tout et mourez bien, vous qui la faites.





Quatrelles (Ernest l'Épine dit) A coups de fusil. - Paris, Charpentier, 1877.

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