Croquis de Cescosse (à part soi)

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Présent chez les libraires depuis 1997 avec recueil de nouvelles et romans (Le Dilettante, Flammarion), Jean-Pierre Cescosse s’est autorisé l’essai. Les essais doit-on corriger immédiatement puisque ses Croquis convoquent des sujets qui mettent en évidence la grande variété des préoccupations d’un littérateur d’aujourd’hui. Soit des sujets bigarrés, nécessairement esthétiques, politiques et, puisque l’auteur ne vit pas dans une grotte solitaire, sociologiques. Qui pourrait nier que la chose artistique est toujours objet de clans et de dogmes ?

"J'ai confiance dans les capacités de nuisance de la littérature. La littérature existe pour nuire à la bêtise. La littérature est là pour nous empêcher de nous effondrer sous ses coups."

Depuis la question générale, et très générationnelle, du « débouché » de la littérature, de son autorité, de son utilité – Cescosse évoque Chomsky et Herman d’emblée (De la propagande médiatique en démocratie) –, à la défense de Frédéric Beigbeder en passant par un portrait imaginaire de Cioran, une réflexion sur Georges Perros ou sur la difficulté d’être un « produit de la civilisation perfectionnée » à l’exemple de Chamfort – lequel ne parvint pas à « allier le sarcasme de la gaieté avec l’indulgence du mépris » et rata son suicide de septembre 1793, ces Croquis, plus ou moins rapides, témoignent d’un esprit de fier lecteur, celui qui ne se déprend pas de son indépendance. On s’en convainc lorsque est analysée avec mesure la position de Philippe Murray gouroutisé à titre posthume, ou ces pensées ténues qui chez l’écrivain voit un citron, ou chez l’Homme une bête bien commune : « Au bout du compte, qu’aurons-nous fait d’autre que bêler dans le parc humain, en quête de femelles, de proies et de rivaux ? »

Jean-Pierre Cescosse développe un art du quant-à-soi qui s’exprime selon plusieurs modalités, celle de l’humour n’étant pas la moindre lorsqu’il est question de Nietzsche, puis, plus rare, celle de l’empathie, justement celle qu’on n’attend jamais. C’est l’un des charmes de ses petites chroniques, de ses petits essais, pistes d’envol des idées. Envolées dans un tel recueil, elles proposent une manière d’aborder l’homme Cescosse in vivo, ainsi que le lecteur qu’il est, d’humour plutôt doux pétri.



Jean-Pierre Cescosse Croquis. Essais. - Londres, Aden, 207 pages, 20 €




Illustration du billet : Georges Rochegrosse.

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