Paris-Calenques (retour d'Arène)

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Oh, qu'elles étaient jolies les nouvelles de monsieur Arène !
% Elles avaient le format des contes, ou plutôt des chroniques qu'il écrivait dans la presse parisienne, qui se régalait des régionalismes hauts en couleurs, pour se remémorer son lointain pays de Provence sans doute alors qu'il faisait l'homme de lettres à Paris. Et ses chroniques, elles sentaient si bon le romarin, et elles sonnaient si fort qu'on entendait les cigalous en les lisant... En faisant souffler la tramontane, les chroniques d'Arène remplacent généreusement le soleil qui nous fait défaut depuis trop longtemps (on le lui rappellera à ce globe présomptueux, et s'il croit qu'on va encore lui sacrifier des tas de vierges, il se met la fusée dans l’œil !).

Comme nous évoquions il y a quelque temps la figure de Mistral,, nous est parvenue une utile édition des nouvelles de Paul Arène qui n'était plus disponible depuis lurette, malgré la diffusion phénoménale de l'opus au cours du siècle dernier. - D'autant qu'Arène, ne l'oublions jamais, n'est pas un minus habens : il est l'un des trois rédacteurs des Lettres mon moulin de la fabrique Daudet & Cie. En cette année de capitalerie marseillaise, il fait bon saluer le Sud, ses Provençaux et nos rêves anciens.
Paul Arène, c'est un nom doux à l'oreille. il a des senteurs de Provence, mais aussi de salle de classe en hiver quand, au froid, on se réchauffait l'esprit à ses pages bienvenues. L'auteur de La Chèvre d'or (Sgap, 1888) et même de Paris ingénu (Charpentier, 1882), ne manquait pas d'esprit, comme vous pouvez vous en apercevoir dans cette lettre publiée par son ami Anatole France (Le Temps, 15 février 1891, p. 2).

Paris, 11 février 1891.
Mon cher ami,
Je comptais vous rencontrer l'autre jour pour conférer sur une affaire d'importance.
Il n'y a pas de Tellier qui tienne, et Homère n'est pas un imbécile. Homère n'eût jamais imaginé qu'on pût prendre une rame pour une aile de moulin a vent lesquels moulins à vent n'existaient pas d'ailleurs au temps d'Homère.
En Provence et ceci prouve que vous devriez y venir pour être tout à fait Grec en Provence, après la moisson, nous jetons le blé au van avec des pelles qui, en effet, ressemblent pas mal à des rames.
Il est donc naturel que des populations montagnardes, ne connaissant ni la mer, ni les choses de la mer, aient pris pour nos pelles à vanner pour la rame qu'Ulysse portait sur le dos. Il est doux d'illuminer Homère à travers les brouillards des commentateurs ingénus. D'ailleurs, c'est à Mistral que revient l'honneur de la contribution. >Nous trouvâmes la chose en riant comme des paysans, un jour que nous récitions l'Odyssée sous les cyprès noirs de Mailanne.
Les dieux vous tiennent en joie !

Votre,

Paul Arène

Mais bast ! Il n'y a pas que l'exactitude historique chez Arène et dans ses nouvelles, il y a aussi un peu de Paris, des personnages impayables de cette ville à martyrs, et puis son ami Léon Cladel, l'abbé Gribouri (mais oui !), un dieu païen embêté par la maréchaussée — il préfigure sans doute "Le Dernier Satyre" de Théo Varlet —, un certain Barjavel, des bas-bleus, des raccourcis délicieux, du "hatchich" (mais si), un propos sur la langue de bois des critiques littéraires et cent choses que l'on voudrait citer ici. Surtout, il y a sa natale Sisteron, des zinzins et des zinzinières, la mer...

"Des myriades de cigales, mises en gaieté par la chaleur du jour, s'égosillaient sur les arbres poudreux de la route, se taisant un moment ua passage de la voiture pour recommencer aussitôt de plus belle et rattraper le temps perdu."

Pour ne pas perdre tout à fait le sens de l'été, le livre qu'il vous faut dès à présent. D'ailleurs,

"Ferréol s'était tu, un peu rouge. Une orange tomba, on entendit la mer chanter."






Paul Arène Vers la calenque. Récits d'un Provençal. — Marseille, Gaussen, 224 pages, 20 €

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