Vivre avec une huître (et courir les mers)

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William Ernest Bowman (1911-1985) n'est pas le plus célèbre des comiques anglais. C'était un Britannique tout ce qu'il y a de tranquille qui fit un premier succès (discret) d'une satire de récit d'ascension d'un sommet par des alpinistes foutraques. Dans les années 1950, l'heure était à ce type de sports extrêmes, l'ascension des hauts sommets. C'est comme ça.
Mais on peut le dire, Bowman avait son propre sport de l'extrême : fasciné par la théorie de la relativité, il s'acharna à lui donner des éclaircissements et se trouva confronté à l'opinion d'Einstein sur ses travaux, opinion déceptive comme on pouvait s'y attendre. Pas étonnant que l'on retrouve ce "challenge de l'échec" dans les ouvrages de Bowman, qui s'obstina à tourner en satire les récits des plus vigoureux alpinistes et navigateurs. Car à la même époque, en effet, les jeunes gens bouillants qui ne se satisfaisaient pas des émotions banales, fussent-elles intenses, avaient également pris l'habitude de traverser les océans en radeau pour impressionner leurs contemporains : Alain Bombard et son Zodiac, Khon-Tiki, etc. C'était la mode de l'expédition nautique sans moteur. Grâce à une agent littéraire de Paris qui lui fournit sa documentation, cela n'échappa pas du tout à Bowman. On pourrait même dire que cela lui mit à l'étrier, si cela avait un sens sur un radeau.
Son talent tout particulier lui fit dès lors composer une équipe de branques tout à fait relevée, distinguée matière à mettre en évidence l'à-peu-près et l'incongru. Parmi ces hardis déconnants deux forcenés masochistes qui incarnent tous les poncifs du récit d'expédition, un naturaliste ami des bêtes, un financier riche d'une candeur extrême...
Mais il en fallait plus à Bowman : il se devait d'intégrer à l'équipe l'animal que l'on n'emmène jamais en exploration ! Et il l'a trouvé ! En substance c'est une huître perlière, accompagnée de sa grenouille communicative de compagnie. Et leur bol de lait. Quel héroïsme, quel générosité, quelle drôlerie !
Nous n'allons pas vous dévoiler le temps qu'il faut à la fine équipe pour quitter le port (avec deux chats), le temps qu'il faut aux chats pour muter, le temps qu'il faut pour couler le paquebot destiné à transporter la fusée d'exploration interstellaire à plusieurs millions de dollars, non, annonçons sobrement quel délicieux moment de lecture (hilarante) vaut ce "Poisson parlant" qui inciterait presque à fabriquer un radeau pour voyager cet été.


William Ernest Bowman L'Expédition du Poisson Parlant, traduit de l'anglais par Thierry Beauchamp. — Paris, Wombat, 157 pages, 16 euros.

Et aussi
W. E. Bowman A l'assaut du Khili-Khili, traduit de l'anglais par Jean Rosenthal. — Robert Laffont, 1956 ; Glénat, 1988 ; Rivages, 2009 et 2010.

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