Faites vos Dalize ! (Bernard Quiriny salue Le Club des Neurasthéniques)

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Faites vos Dalize !

« Il avait couru toutes les mers, charmant, plein d’illusions gracieuses, il se croyait revenu de tout. La vie fut pour lui un cinéma ».
Ainsi parlait Apollinaire de René Dalize (1879-1917), officier de marine fauché par la Guerre qui n’aura pas laissé beaucoup de traces dans les anthologies littéraires, malgré son amitié avec l’auteur d’Alcools et les trois petits livres qu’ils écrivirent ensemble en 1914.
Tout ce qu’il faut savoir sur cet aventurier créole est expliqué dans sa postface par Eric Dussert, notamment qu’il s’appelait en réalité Dupuy, qu’il a navigué sur toutes les mers et que, fumeur invétéré, il a contribué à l’introduction de l’opium à Montmartre, au début du siècle. Ses écrits ? Une poignée de reportages, des poèmes composés au front et cet unique roman paru en 1912 dans le quotidien Paris-Midi, où il restera enfermé un siècle puisque personne à l’époque n’a eu l’idée de le reprendre en volume.
Qu’on se rassure : malgré les années, sa verve et son charme sont intacts, avec une légèreté et un sens du rocambolesque qui rappellent certains récits anglais de Chesterton, ou le délicieux «Bureau des assassinats» de Jack London. Mais surtout, «Le Club des neurasthéniques» se range parmi les romans d’aventures et d’exotisme de Francis Carco, Pierre Benoît ou Henri de Monfreid, avec une nuance comique qui lui confère une place à part.

L’intrigue se déroule au printemps 1915, dans une Europe est en proie à la peste. Paris est en état de siège. Au Bar de la Limace, une étrange société s’interroge sur l’attitude à adopter face au fléau : c’est le « Club des neurasthéniques », un petit groupe de snobs qui se proclame battu d’avance par la civilisation moderne, inapte à suivre son rythme effréné. Or, au moment où les Neurasthéniques se prononcent pour le suicide collectif, leur secrétaire Claude-Alain Mercœur reçoit de son oncle une mission capitale : aller chercher aux Antilles sa fille naturelle et la ramener saine et sauve à Paris…
Une folle équipée commence pour les membres du Club, émaillée d’incidents divers (dont un duel, un naufrage et une éruption volcanique), de palabres et de moyens de transports divers, dans une ambiance fantaisiste qui donne raison au placard publicitaire conçu à l’époque par Paris-Midi : «Une aventure inédite et d’un genre tout à fait nouveau, sous la forme d’un récit attrayant et pittoresque » !

La fin du livre, d’un optimisme quasi militant (les Neurasthéniques reprennent goût à la vie, et tombent tous amoureux les uns des autres), tranche avec le destin tragique de René Dalize, tué lors d’un assaut au Chemin-des-Dames en mai 1917. Apollinaire lui dédiera ses Calligrammes, et ce salut fut jusqu’ici la seule raison pour un lecteur moderne de connaître son nom. On se réjouit qu’il en existe à présent une autre, et qu’il soit possible de suivre dans leurs péripéties à travers le globe ses héros excentriques. Pour eux, à la différence de leur auteur, tout est bien qui finit bien.


Bernard Quiriny



L'Opinion, 26 juin 2013.


René Dalize Le Club des neurasthéniques. Édition établie et présentée par le Préfet maritime. - Talence, l'Arbre vengeur, 23 mai 2013, 303 pages, grand format (21/14 cm), 20 €

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