Le Prix de la couverture la plus rose, naturellement, ce sont les éditions Finitude qui la remporte pour Le Chien-chien à sa mémère, nouvelle version du dramatique recueil La Vie est quotidienne (Rieder, 1929) d'André Baillon, nouvelles témoignant très bien chacune de diverses facettes de son talent et de ses styles et sujets, nouvelles noires en stock certes, plus ou moins douces ou tragiques, auxquelles ont été ajoutés deux "contes" écrits pour L'Humanité en 1921 - (mais "Attitude", si l'on ne se trompe, est un fragment d'En sabots... on n'a plus toute notre mémoire) ; il faudra un jour rassembler tous ces écrits éparpillés en un volume comme en avait le désir les animateurs des Cahiers André Baillon et antérieurement la collection "Archives du futur" des éditions Labor qui ont fourni l'essentiel de l'effort jusqu'ici.
Revêtu de la plus pimpante des couverture en mohair, ou presque, "Le Chien-chien à sa mémère" est un modèle du genre baillonnien : syncopé, en boucle, un regard tendre transmettant des images terribles. La seule description des deux victimes d'un accident de voiture en dit long sur son talent tragicomique et sur son imagination qui s'étale toujours à côté des normes. Pour un peu, et à propos de ce dernier point, on lui trouverait des faux airs d'Audiberti à notre Baillon international dans son décomplexé constructif. Par instant. Pour le reste, il a aussi des airs de Charlot, comme beaucoup de ces collègues du temps (son compatriote Franz Hellens pour commencer) : drôlerie, une certaine douceur, de la tendresse pour l'humanité. Et une pointe d'autoflagellation amusée lorsqu'il évoque son attitude "sosotte" avec ces chats, dans un dialogue avec sa femme, là-haut, dans leur appartement plein de bruits et de labeur.
Tombée dans le domaine public il y a une dizaine d'années, mais jamais en déshérence (ses éditeurs depuis cinquante ans sont pléthore, Labor, J. Antoine, W., Éperonniers, le Cri, Sillage, etc.), l’œuvre du Belge poursuit son chemin sans esbroufe ni ostentation, même si les éditions Cambourakis tentent le grand schelem d’œuvres complètes dont les volumes paraissent à un rythme sénatorial qui convient très bien à l'éleveur de poules que fut Baillon. Les éditions Cent Pages ont participé elles aussi à la diffusion des meilleurs pages avec ce que l'on peut considérer comme le chef-d'oeuvre de Baillon, Zonzon Pépette, fille de Londres. D'autres encore, attirés par le fumet d'un style unique, rebondissant, de ce formidable représentant des lettres francophones des années 1920. Ils pousseront peut-être jusqu'à Par fil spécial. Là, règne l'odeur d'une période bénie où ronflaient les rotatives et où le brouhaha des journalistes se répandait dans les odeurs d'encre ou autour du zinc, double secret de fabrique de la prose du Belge.
Allez, lisons Baillon, il en restera toujours quelque chose.
André Baillon Le Chien-chien à sa mémère. — Bordeaux, Finitude, 134 pages, 14,50 €