Sagesse de Pierre Girard (II)

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Il y a des après-midi où il est bien difficile de vivre. Une certaine qualité de ciel blanc vous ôte tout courage. Le désespoir vous précède d'arbre en arbre. C'est alors que l'on se rend compte de l'impéritie des hommes, qui n'ont tenu compte que de la pluie ou du beau temps, dans leur effort contre la nature, gouttières ou stores, parapluies ou tentes rayées, mais ils n'ont pu imaginer de défense contre le printemps. C'est chaque année la même chose : on est surpris par lui comme par l'éruption d'un volcan. J'entrai au cinéma, au cinéma coupable de l'après-midi, au cinéma sans excuse. Le soir peut-on encore prétendre vouloir peupler la nuit de quelques visions, devance le moment des rêves, amorcer une de ces aventures d'après minuit qui n'ont ni la réalité ni la précision de celles du grand jour. Mais l'après-midi ! Délaisser dans la rue des gens, des choses d'une indubitable authenticité, pour gésir dans un fauteuil et se laisser posséder par une illusion sans en être dupé ! Comme toujours, j'assistai à ma propre histoire. Que votre femme vous trompe, que vous perdiez votre portefeuille, vous pouvez être sûr que le film sera justement une histoire de trahison et de portefeuille perdu.



Pierre Girard La Rose de Thuringe. — Paris, Calmann-Lévy, 1950, coll. "Le Prisme".

Disponible en librairie :
Pierre Girard Othon et les sirènes. Talence, l'Arbre vengeur. 2012.

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