Ballade de Mérat pour affirmer qu'il n'en écrira point
J'ai fait des sonnets et des odes ;
J'ai fait des quatrains — plus qu'un peu !
Les rythmes les plus incommodes,
je les domptai comme par jeu.
De l'aube jusqu'au couvrefeu,
Sur l'Olympe, qu'on escalade,
je grimpe ; mais en ce haut lieu
Je n'écrirai point de ballade.
M'en tenant aux anciennes modes,
Que je respecte comme un vœu,
J'ai célébré sur tous les modes
La forêt verte et le ciel bleu.
Mais, pardonnez-moi cet aveu,
Fût-elle de Laurent Tailhade,
La ballade me fait faire : Heu !
je n'écrirai point de ballade.
Pour combattre de récents codes
J'ai changé ma plume en épieu ;
Contre les vers myriapodes
J'ai marché, tout flamme et tout feu.
Eh bien, m'appelât-on hébreu ;
Fallût-il, atteint de pelade,
Voir tomber mon dernier cheveu.
Je n'écrirai point de ballade.
ENVOI
PRINCE je suis, de franc alleu.
Accusez-moi de reculade,
Il ne m'en chaut ; car nom de nom !
Je n'écrirai point de ballade !
Pour copie conforme :
Théodore Maurer
A mon ami Théodore Maurer
Quand la pointe est de bon aloi,
J'accepte les estafilades.
Pourquoi ferais-je des ballades,
Puisque vous les faites pour moi ?
Albert Mérat
3 novembre 1903
La Revue littéraire de Paris et de Champagne, n° 9, décembre 1903, p. 298-299.