Manuel Maples Arce et le stridentisme

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Avant ce jour, Manuel Maples Arce (1898-1981) n'avait été donné à lire une fois aux lecteurs francophones : c'était en 1936 et c'étaient ses "Poèmes interdits" dont la traduction d'Edmond Vandercammen était destinée aux Bruxellois Cahiers du Journal des Poètes. Soixante-huit pages en quatre-vingt ans, ça n'était pas de trop pour ce Mexicain moderniste, auteur d'un Urbe, Super-poema bolchevique en 5 cantos (1924) traduit par John Dos Passos en 1929 (N. Y., T. S. Book Company), ou des Poemas interdictos (Xalapa, Horizonte, 1927) dont la modernité indéniable avait échappé de ce côté de l'Atlantique.

Servi avec de très belles gravures sur bois d'époque dans un agréable et souple volume sur papier couché, ses oeuvres sont désormais accessibles, traduites et commentées par Antoine Chareyre qui nous éclaire sur ce personnage. Et pour commencer par son manifeste stridentiste qui mérite citation :

Au nom de l'avant-garde actualité du Mexique, sincèrement horrifiée par toutes les plaques notariales et autres enseignes consacrées par système cartulaire, avec vingt siècles de succès répandu dans les pharmacies et les drogueries subventionnées par la loi, je me centralise au sommet éclatant de mon irremplaçable catégorie présentiste, équilatéralement convaincue et éminemment révolutionnaire, pendant que le monde entier, hors de l'axe, se contemple sphériquement stupéfait avec les mains tordues, impérativement et catégoriquement j'affirme, sans plus d'exceptions pour les "players" diamétralement explosifs en incendies phonographiques et cris acculés, que mon stridentisme déhiscent et purifié pour me défendre des jets de pierre littéraux des derniers plébiscites intellectifs : Mort au Curé Hidalgo, A bas San Rafael, San Lazaro, Croisement. Il est interdit de coller des affiches."

On voit le gaillard. Si remarquable, au fond, qu'après un court passage par l'oubli, il traverse deux romans contemporains, l'Ombre de l'ombre de Paco Ignacio Taibo II (Rivages, 1992) et surtout Les Détectives sauvages (1998 ; Folio, 2010) du regretté Chillien Roberto Bolano (1953-2003). Indice sur le double intérêt du personnage Manuel Maples Arce et de sa poésie qui se faufile entre "Paroxysme", "Révolution" et "Saudade".
% A l'époque où les avant-gardes se pressaient à s'en user les coudières, il est juste de rendre au Stridentisme sa place et ses écrits. La "Chanson depuis un aéroplane" suffirait presque, d'ailleurs, à le faire anthologiser, ainsi que ses odes à la ville, à la révolution, et ses trouvailles, comme celle du "romantisme cannibale de la musique yankee". Plein de charme et de vigueur, il est le frère des poètes des années 1920, celui qui revient et que l'on ne peut plus négliger.

Voici mon poème
brutal
et multiple
à la nouvelle ville.

Oh ville toute tendue
de câbles et d'efforts ;
toute sonore
d'ailes et de moteurs



Une rencontre est organisée par les éditeurs de la collection « Commun’art » (Le Temps des cerises) à la mairie du IIe arrondissement (8, rue de la Banque) mercredi 19 prochain à 19 h 30 en présence de Juliette Combes-Latour et Henri Deluy et Antoine Chareyre



Manuel Maples Arce Stridentisme ! Poésie & Manifeste (1921-1927), édition bilingue et illustrée, textes réunis et établis, traduits, présentés et annotés par Antoine Chareyre. - Paris, Le Temps des Cerises, Coll. Commun'art, 2013, 372p.

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