Brève histoire du Prix Claude Le Heurteur (retour sur un mystère)

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Entre 1998 et 2003 exista un prix littéraire hors du commun, le Prix Claude Le Heurteur.
Fondé en grand secret par un écrivain, il fut enrichi d'un jury de neuf autres écrivains tenus au secret et doté d'un laurier inouï, comme on va voir.
Le prix Claude Le Heurteur fut décerné six fois puis le jury fit silence pour des raisons que l'on peut sans doute deviner à la lecture de la liste des lauréats (infra).
Le fonctionnement du prix était simple : les jurés proposaient chacun un ouvrage en lecture et travaillaient comme un jury traditionnel, à ceci près que leur absolue discrétion leur évitait toute tentative de pression extérieure et que les lectures étaient faites, ainsi que le prouvaient les séances d'espatrouillage hautes en couleurs auxquelles donnaient lieu, paraît-il, les dîners réguliers du jury.

Le prix décerné au lauréat était lui-même la plus importante curiosité de ce prix. Songez plutôt : chaque juré avait recruté dix "lecteurs", méritants amis qui s'étaient engagés à acheter un exemplaire du roman élu, à le lire et à adresser à son auteur leurs commentaires le 15 février (jour de la Saint-Claude), cachet de la poste faisant foi. Sans, bien sûr, révéler le nom des jurés...
Et recevoir cent lettres de vrais lecteurs est un plaisir de gourmet pour un écrivain, comme on peut s'en douter. L'un d'entre eux eut même, selon ses propres dires, la surprise de recevoir une carte postale d'Alger rédigé par son personnage enfui à la fin de son livre. Et cela fut naturellement un drame, paraît-il, lorsque certaine auteuse reçut quelques fessées auxquelles les mondanités germanopratines ne l'avaient pas habituée.

Il appert que certains regrettent la disparition du prix. Mais a-t-il vraiment disparu ?

Liste exhaustive des lauréats du Prix Claude Le Heurteur
Marc Petit La Compagnie des Indes (Stock, 1998)
Philippe Hadengue L'Exode (Pauvert, 1999)
Jacques Gélat La Couleur inconnue (José Corti, 2000)
Marc Durin-Valois L'Empire des solitudes (Jean-Claude Lattès, 2001)
Bernard Desportes Brèves Histoires de ma mère (Fayard, 2002)
Leslie Kaplan Les Amants de Marie (P. O. L., 2002)


Dernier point d'importance : d'où sort ce Claude Le Heurteur ?

Tout simplement du Dictionnaire historique et critique de Jal où l'on trouve à la notice "Illustres inconnus" cette mention :

Les Reg(istres) de S(ain)t-Sulp(ice), parmi leurs anciens actes, généralement fort sommaires, contiennent cette mention curieuse : "Le 6e oct. 1625 fut enterré Claude Le Heurteur, enfant treué , bon grammairien, poète écellent" (sic). Quel est cet excellent poëte, ce bon grammairien, à qui le ciel ne refusa que l'amour de ses parents ? Je me suis assuré qu'il me naquit pas sur le territoire de St-Sulpice, ou, du moins, qu'il ne fut point baptisé à cette église ; je suis sûr aussi qu'il ne s'y maria point. D'où vint-il donc pour s'y faire connaître, estimer et honorer, et pour y mourir ? Enfant trouvé ! Pourquoi le

rédacteur de l'acte qu'on vient de lire y introduisit-il cette constatation d'une naissance mystérieuse en présence de l'éloge du défunt ? Ce fut ou pour faire comprendre que seul, sans famille, sans appui, l'enfant, recueilli par la charité, dut au travail et au talent une place honorable dans le monde, ou pour annoncer qu'il était bien jeune encore quand il quitta la vie. Aucun ouvrage de Le Heurteur n'est venu jusqu'à nous, du moins avec son nom.

On comprend qu'une telle discrétion ne pouvait qu'avoir séduit ce jury fantôme, néanmoins actif.

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