Découvrir Pierre Herbart

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Vient de paraître une biographie fouillée qui mérite qu'on s'y arrête un peu. Elle concerne Pierre Herbart (1903-1974), journaliste et prosateur de l'entourage d'André Gide et du PCF, plus indépendant qu'on l'imagine souvent, et d'un tempérament qui fait ces grands singuliers : honneur et silence, si l'on ose dire.
Ecrivain dès l'âge de quinze ans, Herbart était lié à Gilbert Lely, à Eugène Mac'Avoy et a effectué son service militaire au Maroc d'où il rapporta un anticolonialisme viscéral. Lié à Jean Cocteau à partir de 1924, collègue d'Andrée Viollis, il connaîtra les engagements du siècle dernier, et n'en sortira pas plus ragaillardi que ça, d'autant que l'opium ne fit rien pour le "libérer".
Son oeuvre, rééditée dès les années 1990 par les éditions Le Dilettante, puis par Le Promeneur, mérite d'être lue par ceux qu'intéresse la vraie vie des idées au siècle dernier, et notamment ses mémoires qui en disent très long. Ses nouvelles, elles aussi.

Ce qui me plaît en vous deux, disait-il le lendemain, c'est votre absence totale de méthode.
— Sans blague ! cria Jean. Et, prenant ce ton étrangement déclamatoire que j'aimais : Tu n'as pas encore compris que ce qui provoque le désir est une énigme. Le désir, on l'assouvit à coups de bâton, de hache, de ce que tu voudras. Mais à l'énigme, on ne doit pas toucher.
Nous avalâmes, comme l'autre, une fameuse gorgée de poison. Nos chambres devinrent l'incessant lieu de passage de putains, de voyuos, mais aussi de Libanais qui apportaient de la confiture de haschich, de maquereaux corses qui avaient "trouvé un peu de coco", de Chinois qui proposaient de l'opium. Tout cela dans un désordre atroce, qui était celui de la destruction, mais dans lequel Jean et moi — André aussi — reconnaissions un ordre souverain auquel il était bien de se soumettre.
André s'est suicidé, Jean est mort sous les tortures, mon troisième compagnon — dont je ne veux pas parler — a été brûlé vif. Il me semble que chacun, dans sa Passion particulière, a dû se sentir réconforté s'il s'est souvenu de notre "semaine à Marseille"."




Jean-Luc Moreau Pierre Herbart, l'orgueil du dépouillement. - Paris, Grasset, 641 pages, 29 €

Pierre Herbart Histoires confidentielles. Préface de Jean-Luc Moreau. — Paris, Grasset, coll. "Cahiers rouges", 2014, 7,90 €

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