L'Arbre d'or de John Vaillant (un livre 4 étoiles ****)

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On ne rêve pas meilleur compagnon de promenade en forêt.
L’Arbre d’or, récit des zones boisées de la Colombie-Britannique, est une merveille du livre qu'on dirait d'aventures, si ça n'était tout simplement un livre de vie(s). Vies des forêts assurément, et vies des hommes rudes, voire frustes, qui les fréquentent.
En territoire des Haïdas, indiens très mobiles et un tantinet chafouins, John Vaillant propose une série des récits tous plus affolants les uns que les autres où l'existence de l'homme semble tenue à un fil de fond de culotte, ou à une branche frêle et cassante.
Songez que certains arbres mesurent des quatre-vingt-dix mètres, pèsent des dizaines de tonnes et protègent de leurs ramures un monde à part, mêlant parfois la saumure des rivages marins aux racines alimentant leurs troncs monumentaux comme des rêves de saga féérique. Ou cauchemardesque.

La force vitale au sens littéral, biologique, dans cette partie du globe est extraordinaire. Vingt-trois espèces de baleines vivent de façon permanente ou transitoire dans leurs eaux et les îles elles-mêmes hébergent l'une des plus importantes populations de pygargues à tête blanche du continent. Le détroit de Burnaby, un étroit chenal de marée au centre de l'archipel, abrite l'une des plus fortes concentrations de vie marine au mètre carré de la planète, et sur sa côte Ouest dentelée on trouve des moules de la taille d'une chaussure.

Dans cet univers, voilà qu'un beau jour de l'hiver de 1997, il arrive ceci : « Le kayak et son propriétaire, Grant Hadwin, forestier expérimenté, étaient portés disparus depuis plusieurs mois. L’homme était un fugitif recherché pour un crime étrange et sans précédent. »
Cet homme a coupé un épicéa de Sitka vieux de 300 ans, haut de 50 mètres et recouvert de singulières aiguilles dorées. « Dans un geste paradoxal, qu’il conçoit comme une protestation contre les dommages causés par l’homme à la nature, Hadwin s’attaque à l’arbre avec une tronçonneuse. L’épicéa tombe deux jours plus tard, jetant la communauté locale dans la consternation. L’Arbre d’or était non seulement une curiosité scientifique, un miracle et une attraction touristique, mais il était sacré pour le peuple des Haïdas. Peu de temps après avoir confessé son crime, Hadwin disparaît dans de mystérieuses circonstances ; à ce jour, il n’a pas été retrouvé. » Au-delà de ce cas de folie abatteuse dont John Vaillant se sert comme d'un fil rouge, c'est toute la solitude sauvage des côtes de l'Alaska, la beauté de cette nature irréductible, la confrontation des populations indiennes et européennes, l'histoire de l'abattage des forêt et la folie rogue de la vie des bûcherons qu'il conte en sachant préserver "la cerise de l'inattendu sur le gâteau de l'imprévu". Entre Délivrance et Croc-Blanc, un récit fascinant qui aborde frontalement les rives du trouble le plus profond, celui qui naît au fond du cœur de l'homme lorsqu'il se trouve isolé dans ces étendues peuplées d'arbres immenses. Sans oublier le danger...
Bref, le parfait livre à déguster en ces jours humides où il fait bon sentir le moelleux du fauteuil, la chaleur du plaid et le goût du thé. Et le parfait cadeau à ceux que vous aimez vraiment.
Couché, le chien ! On sortira après la tempête.



John Vaillant L’Arbre d’or. Vie et mort d’un géant canadien. Traduit par Valérie Legendre. - Paris, Noir sur blanc, 336 p., 22.00 €
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