La tenue du croquemort, par Fanny Clar

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Et lui, ne fait-il pas partie du décorum, un décorum funèbre continuant l'autre, dans l'au-delà ?
Chaque année, les journalistes nous ont reparlé de sa tristesse, à l'époque des grandes chaleurs. C'est le moment où le malheureux croque-mort, victime d'un respect mal interprété, succombait à demi sous une livrée qui manquait de noblesse esthétique.
Cet été, enfin, on accorda à l'infortuné un équipement plus conforme, non seulement à la température, mais aussi a la logique de l'existence moderne.
Malgré la parole célèbre, les morts ne vont pas si vite qu'il est dit. A travers notre vertige du mouvement, on accorde aux trépassés une majesté d'allure dont ils n'usèrent que fort peu, la plupart du temps, quand ils étaient vivants.
Le pauvre diable qui courut chaque jour après le pain quotidien, se voit promené à pas lents, alors qu'il ne possède plus le loisir d'apprécier cette revanche. S'il pouvait donner son avis, il est probable qu'instruit des vanités humaines, il déclarerait que ces attentions posthumes contiennent à son égard, une dose importante d'ironie. Et sans doute approuverait-il les officiants du dernier cortège d'avoir exigé un vêtement d'un macabre moins pesant.
Puis aussi, ajouterait-il, que la terme d'un croque-mort, fut-elle de fantaisie, sera toujours aussi respectueuse de la solennité funéraire, que la désinvolture de certains assistants, profitant des rencontres d'un enterrement, pour discuter leurs affaires ou prendre rendez-vous.

Fanny Clar




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