Sagesse de Charles Rohmer

ours_casse-noix.jpg


Il y a tout au fond de mon personnage, une image grise et salie, à égale distance de la vie et de la mort, en équilibre entre la vie et la mort et qui est le décor même d'une absence que je m'efforce à susciter en présence. L'homme est penché sur cette vague figure qui n'a pas de nom et il ne pense pas, il n'éprouve rien. Mais c'est à cela qu'il se reconnaît. Toute image qui rejoint cette image, il s'y retrouve dans son "insignifiance" mortelle. De là vient sa complicité avec les lieux les plus dispersés de la terre, auxquels il n'avait jamais attaché d'importance.
Il n'est à peu près rien d'important. Les choses importantes bedonnent, se boursouflent et crèvent tristement.L'essentiel est en retrait. Il faut marquer le monde et aussi s'en abstraire (ne pas affliger l'univers de son insistance). Savoir seulement qu'il est malaisé d'être et d'être soi néanmoins. Regarder sa nuit avec lucidité.




Charles Rohmer Le Personnage et son ombre. - Paris, Gallimard, 1952, 235 pages, coll. "Les Essais" (LIX).



Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Haut de page