La tour Eiffel, nous la vîmes pour la première fois sur un petit thermomètre-souvenir, pour mesurer la température intérieure, si bien que l'histoire drôle sur le Bulgare qui, se heurtant à la véritable tour Eiffel, part longuement à la recherche de son thermomètre ne nous faisait pas encore rire.
Pour nous, les gondoles vénitiennes étaient des lampes musicales, quand à l'Acropole, c'était un cendrier de porcelaine réservé aux invités. Tous possédaient une "Mona Lisa" dans leur chambre à coucher, "La Cène "dans leur salon et une nature morte avec des fruits et des tranches de pastèque dans leur cuisine.
C"était un siècle d'or pour notre culture générale.
C'est ce qui explique la curiosité avide avec laquelle nous accueillîmes ensuite Baudrillard et "l'antériorité du simulacre". Nous n'avions plus besoin d'aller voir la tour Eiffel : ce n'était qu'une énième copie, sans thermomètre.
Gheorghi Gospodinov L'Alphabet des femmes. Traduit du bulgare par Marie Vrinat. — Arléa, 184 pages, 8 €