Henri Heine sur son lit de mort

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C'était hier l'anniversaire de la mort d'Henri Heine. Bref retour sur sa vie.

Henri Heine

Le plus grand poète chu dix-neuvième siècle allemand naquit à Dusseldorf le 13 décembre 1799. D'origine juive, Heine compte du côté paternel de notables négociants et de riches banquiers vivant dans l'aisance depuis plusieurs générations. De par sa mère, il s'apparente aux Van Geldern. juifs hollandais d'une noblesse incontestée la plus pure, la noblesse intellectuelle, l'aristocratie de l'esprit.
Bien loin de l'atmosphère de ses coreligioniaires de l'Europe orientale, Heine ne connut point les milieux méphitiques du ghetto où les humains vivent dans une torpeur dégradante. Tout au contraire, Heine respirait autour de lui un air sain et au foyer il y avait un mélange de judaïsme traditionnel et de culture européenne qui ne laissait pas de séduire le jeune Henri.
Pour avoir la clef de la versatilité de Heine, pour mieux saisir les heurts, les contradictions et les « évolutions » de cet étonnant esprit, il suffit de songer à l'époque et aux événements sous lesquels l'auteur des Reisebilder prenait son essor. D'ailleurs, il n'y a point meilleur biographe et commentateur de Heine que les ouvrages mêmes du célèbre poète.

Nous avancerons ici sans craindre l'épithète d'hérésiarque : que Heine fut le premier lyrique allemand qui ait osé ramener la poésie sur la terre. De même que Nietzsche s'est révélé le premier prosateur de langue allemande, le chantre des Iunge Leiden est son premier lyrique. Sans remonter aux doctes rieurs qui gravement versifiaient tous les thèmes mythologiques, se livraient aux jeux peu séduisants des poésies didactiques et satiriques, l'on peut insinuer que même dans les vers de l'olympien Gœthe la vie est à peine sensible.
Heine insuffla au vers allemand de l'émotion, l'intensité de son âme inquiète, la verve caustique, la malice, la cautèle, et devint justement le premier lyrique dont l'influence heureuse se retrouve non seulement dans le mélancolique Lenau, mais qui féconda aussi tout le dix-neuvièmz siècle.
Après avoir étudié le rudiment hébraïque, juste assez pour s'intéresser aux splendeurs du passé juif, à étudier les prophètes d'Israël, à considérer la Bible comme un des merveilleux monuments de l'esprit humain et à lire les chantres hébreux florissant, en Espagne au Moyen Age, Heine fit ses études au Lycée de Dusseldorf, alors territoire français, où un abbé français lui enseigna la rhétorique et la littérature française.
A 17 ans, il est à Hambourg, où son oncle. Salomon Heine, quarante fois millionnaire, le met à la tête d'une maison de commission. Mais le jeune Heine se montra d'autant plus mauvais commerçant que déjà il a écrit ses r l'uni. es immortels : Visions. Ce même oncle l'envoya étudier son droit à Bonn, mais cet individualiste impénitent, se sentant peu de goût pour cette sorte d'études, suivit les cours de littérature et de philosophie. Puis, un beau jour, le voici à Berlin en 1821, ayant en poche sa tragédie Almansor. Dans le salon de Rachel von Vanhargen, il se lie avec les plus grands esprits de l'époque, et c'est alors qu'il se décide à publier un recueil de poésies. En 1823, un deuxième volume suivit où se trouve Intermezzo Lyrique.
Cette dernière œuvre, une des plus pures quintessences de la poésie universelle, était dédiée à l'oncle richissime pour l'amadouer, mais en vain. En 1828, Heine obtient le grade de docteur en droit, convoitise de sa famille, Mais voilà que le poète abjure la loi de ses ancêtres, il se convertit à la religion chrétienne, ayant en vue de briguer un poste dans un service d'Etat.
Cependant, la publication en 1829 du premier volume de ses Tableaux de voyage décida de la carrière de Heine. Il ne devra consacrer sa vie qu'aux lettres. Disons que cet ouvrage rendit célèbre le nom de Heine du jour au lendemain. Avant lui, aucun Allemand n'avait écrit un pareil livre. L'imagination, le décousu, la poésie harmonieuse, l'humanité. le pittoresque, les souvenirs, les impressions, ironie mélancolique, profonde sensibilité, tout s'y damne libre cours. Après Livre des Chants, il donna trois nouveaux volumes de Reisebilder. le poète ayant parcouru tous les pays d'Europe, en véritable juif errant.
Le 3 mai 1831, Heine se trouve à Paris, où il mourut le 17 février 1856, après avoir fait deux fois le voyage dans sa patrie. A Paris, le poète écrivit pour la Revue des Deux Mondes ses célèbres études philosophiques et littéraires et acquit ainsi la notoriété en France, tant pour son esprit caustique, véritablement « voltairien » que grâce à ses admirables ouvrages publiés chez Renduel.
On peut dire qu'aucune branche intellectuelle ne lui était étrangère, et Heine imprimait à tout la marque de son génie. Après son deuxième retour d'Allemagne Heine publia Nouvelles Poésies, Atta Troll et Germania. Ce dernier grand poème, « un Conte d'Hiver ». fut publié par Karl Marx, dans la revue qu'il rédigeait à Paris.
En 1855, Heine ressentit déjà les atteintes du mal de la moelle épinière. De 1818 à sa mort, pendant huit années, cloué sur son grabat, le tendre poète de l'amour et de la passion endura stoïquement les plus affreuses souffrances. Il y dicta encore des recueils, tels que Romencero, Le Livre de Lazare, son ballet, Faust et des poèmes publiés après la mort du poète. Dans ses Rêveurs du Ghetto, le grand poète eu prose, Israël Zangwill, trace un portrait inoubliable du plus grand lyrique allemand se colletant pendant de longues années avec la souffrance et la mort.
L. Blumenfeld



Floréal, 17 février 1923.
Illustration du billet Henri Heine sur son lit de mort (dessin de De Franckell).

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