Les innovateurs du vers libre : Gustave Fivé

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Gustave Fivé

Chef de fil du "vivantisme", Gustave Fivé (1843-19..) est un artisan de la modernité qui a laissé s'éteindre sa bougie.
Voici ce qu'on écrivait à son sujet, en 1912, date remarquable si l'on en croit l'histoire de la poésie française, iceberg des icebergs


La lampe charbonne
Il y aura une littérature cubiste. Il y a, déjà, une littérature futuriste. È. M. Gustave Fivé publie un recueil de vers où l'on reconnaît les méthodes de M. Marinetti, ce foudre de guerre. Pourquoi des phrases développes, des verbes, des adjectifs ? Est-ce que des interjections, des notations directes et rapides ne suffisent pas ? Le poète écrira donc ses impressions avec des mots brefs et colorés qui laisseront à l'esprit le travail de complément nécessaire. Le « préfacier », de M. Fivé, M. Auguste Joly, indique ainsi la méthode : "Le vouloir de tous, aujourd'hui, cherche une étreinte de plus en plus directe et nue de l'univers comme de nous-mêmes, par l'impression des couleurs, des formes, des sons, des mots. Ceux-ci, délivrés des syntaxes, des « modificateurs » et des « immobilisateurs »... Les mots, chantant comme des enfants qui s'appellent, s'attirent de leur beauté propre, de leurs formes délivrées en gestes."
Ecoutez (et voyez à la fois) quelle aventure jouent (sans « récit » de « verbe ») l'ordre et le geste de leur assemblement :
« Une goutte de ciel, une goutte de sang, une goutte d'or
Aube - Soleil - Aurore
» Étincelle mystique
» Fusion
» Larme - Sourire
» Spasme - un cri
» Bonheur
» Voici l'amour. »
Ce système donne des poèmes bien singuliers, mais non dépourvus d'agrément. Voici, par exemple, celui qui s'intitule le Parvenu.
« Rotondité ronflante, enflure enflant les mots,
« Clip, clap, clop, mes sabots ;
« Ma grosse chaîne d'or sur le ventre
« Ventru, dodu, repu,
« Parvenu.
« Et mes gros brillants scintillants,
« Et mes lèvres lippues,
« Mes carrosses et mes laquais,
« Mon teint de beurre frais,
« Le fumier. la charrue.
« Et ma grosse femme, ma grosse fortune,
« Mes gros sous et mes grandes tunes,
« Et le foie gras, les chapons gras,
« Les grandes fresques, de la tour mauresque,
« De mon château.
« Ah le lourdaud
« Je roule, je ballonne, je plastronne,
« Je parle et j'ai dit
« Salmigondi
« D'or, de bêtise et de haine. »
C'est le procédé, sans outrance, encore assez discret et parfois réussi, de M. Marinetti, prince des futuristes et démolisseur de musées comme de syntaxes; mais tandis que M. Marinetti pétarade, M. Fivé, son disciple modeste, balbutie.

Le Temps, 6 octobre 1912


Autre article :

En poésie, M. Gustave Fivé publie, au Masque, « La Lampe charbonne ». Je ne connais pas M. Fivé, mais la lecture de ses. poèmes me fait augurer qu'en effet, sa lampe charbonne, elle charbonne même tellement qu'elle n'éclaire pas du tout. Il y a là des mots, même de jolis mots. mais qui se suivent sans lien presque, et l'on est en droit de se demander quel est l'ordre qui a procédé à l'arrangement de ces mots et de ces poèmes, que l'on peut lire aussi bien en commençant, par la fin. Evidemment, cela est très habile, et M,. Fivé est sans doute ce que nous appelons à Bruxelles un « zwanzeur » de talent. Attendons. un nouveau livre. Si G. Fivé s'y montre aussi fort dans la construction des vers qu'il l'est dans celle des « bateaux », il remportera un beau succès.
Jean de Bère

Le Gil Blas, 27 octobre 1912.



Gustave Fivé La Lampe charbonne. — Paris, Edition du Masque, 1912.

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