Encore Louis Nazzi

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Tandis que les éditions Plein Chant nous annoncent plusieurs publications roboratives, voici un coup de projecteur supplémentaire sur Louis Nazzi.

Soulignons ici que C'est Gaston de Pawlowski qui lui a mis le pied à l'étrier en lui offrant une chronique dans Comoedia (où paru du reste son roman posthume, Gégène et Nini).


Un anniversaire
Louis Nazzi

Les amis de Louis Nazzi (et il en eut d'excellents, à commencer par Gabriel Reuillard, Henry Poulaille et Matei Roussou) entretiennent pieusement le souvenir de ce jeune écrivain, mort, il y a eu ces jours-ci quinze ans, alors que. n'ayant pas encore trente ans, il avait déjà donné tant de promesses, plus que des promesses. Pour le dixième anniversaire de Nazzi. Matei Roussou avait, s'il nous souvient bien lancé l'idée d'un comité oui aurait eu pour mission de publier les inédits de Nazzi : je crois bien que les choses en sont restées la, et c'est tant pis. Depuis, la revue de Louis Bocquet, aujourd'hui dirigée par Wilfrid Lucas, Le Nord littéraire et artistique, a publié des notes éparses du jeune écrivain, qui nous font regretter plus encore que l'idée de Matei Roussou n'ait pu prendre corps, en dépit des efforts de Jean-Richard Bloch, de Georges Pioch. de t'Serstevens, d'Emile Mazaud et de quelques autres : Georges de Porto-Riche (qui. au lendemain des obsèques de Nazzi, disait : « De ma vie je n'ai vu tant pleurer à un enterrement ») et Jacques - Copeau, Pawlowski (qui découvrit Nazzi et lui confia, à vingt-deux ans, le feuilleton littéraire de Comœiia) et Henry Malherbe avaient en vain donné leur appui : les contes, les critiques, les pensées de Louis Nazzi et le seul roman qu'il ait, à notre connaissance, écrit, Gégène et Nini, resteront inconnus des jeunes générations : c'est grand dommage. Mais la vie n'en est pas avec Louis Nazzi à une injustice près. Faut-il rappeler que, précédant une mode qui eut, après-guerre, de beaux jours. Louis Nazzi avait, aux environs de 1913. édité une revue : Sincérité qu'il rédigeait tout seul ? Les notes qui y parurent étaient telles qu'elles ne pouvaient contenter personne, qu'elles ne ménageaient à leur auteur aucun appui, qu'elles devaient au contraire le brouiller inévitablement avec tout le monde, mais c'est peut-être ce qui en fait toujours la saveur. Voyez plutôt : "C'est un grand malheur pour un jeune artiste que de n'être ni Juif, ni Marseillais, ni royaliste, ni franc-maçon, ni Pédéraste." Il est destiné à crever de faim. Nazzi était « peuple » et s'en vantait peut-être un peu trop. Et c'est le seul point sur lequel il lui arrivait de manquer de discrétion : on n'a pas à cacher ses convictions, non plus ses origines. On n'a pas, de même, à les étaler. Nazzi étalait un peu. Non sans se couvrir de l'autorité charmante du bon Montaigne ; Montaigne, le plus intelligent des hommes, aimait à répéter : "Je suis peuple". Cela explique pourquoi tant d'imbéciles se défendent d'en être. Les universitaires me donnent toujours l'impression d'aller à la littérature comme certains bourgeois vont au peuple : ils croient l'honorer, et quelle condescendance. Il détestait les « combines » et par conséquent méprisait à la lois l'argent et la politique. L'argent ? Il disait : On a le droit d'aimer l'argent et les honneurs, et de les rechercher : mais alors qu'on entre dans la police. Quand on est écrivain, on doit se borner à sa tâche, et après ça se tenir prêt à mépriser, s'il le faut, l'univers.
Quant à !a politique, envoyant à Reuillard de la copie qui mettait en page le journal auquel tous deux collaboraient, il lui recommandait : Donnez les échos à la fin : ne les mélangez pas avec la politique. Je sais que ça porte bonheur. Mais je n'ai pas besoin de bonheur, surtout à ce prix-là !
Pauvre Nazzi : L'argent s'est vengé ; Nazzi est mort, faute de pouvoir soigner une maladie qui l'épuisait. La politique s'est vengée. Louis Nazzi est, de jour en jour, plus oublié.

Léon Treich


Les Nouvelles littéraires, 3 novembre 1928.

Et pour rassurer les mânes de Treich, ce rappel à l'indispensable :
Louis Nazzi (1884-1913) Sincérité, suivi de Gégène et Nini. - Bassac, Plein Chant, 150 p., 13,72 €

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