Géologie d'un père


GeoMagrelli.jpg



A paru l'année dernière un livre qui nous avait échappé. il faut bien avouer qu'ici, sur notre île, nous ne sommes pas les mieux servis de la planète. Le temps que les tramp steamers qui nous ravitaillent fassent le tour du globe, la dernière nouvelle fraîche ressemble à une scarole hors d'âge.
Ca a ses inconvénients, mais ça a aussi ses avantages : lorsque nous parviennent les informations et les créations elles-mêmes, elles ont eu le temps de se nouer, de s'attacher au monde, de mûrir parfois aussi. Et dans le cas du livre de Valerio Magrelli, professeur italien aussi truculent qu'esthète, c'est un délice. Géologie d'un père est l'hommage d'un fils à son père et le trajet retour d'une mémoire tentant de comprendre ce qui a fait un père, ce qu'il était, ce qu'est le fils face au père. Ce livre est d'une beauté à niveau d'homme, il est embarquant et doux, spirituel et profond, amusant même souvent, profondément tendre.

Pendant que j'écris ces lignes, j'ai sous les yeux le gros carton scellé dans lequel j'ai placé le agendas de ses vingt dernières années. Je les ai trouvés il y a quelques semaines, lors d'un déménagement : j'en ai feuilleté deux ou trois, puis les ai rangés pour les expédier au grenier. Comment se fait-il que je ne sois pas curieux de les lire ? Je suis stupéfait par mon absence d'intérêt, mais je dois en prendre acte. Les archives ne m'intéressent pas, les documents me donnent la nausée. Le seul document c'est moi : le papier tue-mouche du souvenir.


Au-delà de la question de la transmission, du deuil, du rappel de l'énigme que constitue cet homme, il y a ce que le fils apprend, découvre, après. Et puis quel père... Il s'en faut qu'il soit interchangeable. Il a son caractère, ses connexions chamaniques inexploitées, ses questionnements et sa façon d'être là, puis de partir.
La préface enfin vaut le détour. Il s'agit d'une intervention posthume du père de l'auteur, et ce "péritexte", comme disent les universitaires, est comme le personnage que nous évoque son fils : singulier. Il est peut-être même unique, à retenir dans les annales, puisqu'on ne pourra reprocher à son auteur aucun mot de trop. Mais n'en disons pas plus, laissons-vous le plaisir de la découverte...
Double plaisir au vrai qui vaudra pour les plus malins d'entre vous idée de cadeau (de Noël ou d'autre temps). Entre nous, et c'est un avis tout à fait personnel, il y a tout lieu de penser que celui ou celle qui offre ce livre se verra loué pour sa culture et son bon goût. Et ça compte, non ?



Valerio Magrelli Géologie d'un père, avec une préface de Giancinto Magrelli, traduit de l'italien par Marguerite Pozzoli. — Arles, Actes Sud, coll. "Un endroit où aller", 250 pages, 20 €

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Haut de page