Une revue NRV

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Parmi les imprimés du container de ce mois, on reçoit sur notre île une curieuse publication intitulée NRV. Une revue à vocation compilatoire et, apparemment, vengeresse. Ou bretteuse, il faudrait voir de plus près les deux premiers numéros. Car c'est ici le troisième et, si l'on ne s'y trompe pas, il appartient au genre des revues fantômatiques sans adresse ni légale mention, sans directeur officiel, non estampée à ce titre par les organismes (sociaux et fiscaux) ou bien suivi par la préfecture de police qui laisse courir les curés mais surveillent les revues littéraires des fois qu'elles seraient pédophiles. (Comme si elles allaient toutes occuper le créneau de Matzneff. C'est mal connaître la segmentation du marché). Bref, une publication taquine lancée par des individus - pluriels, vraiment ? - soucieux de surprendre leur client - clients ?
Face à tant de mystères, ne reste qu'à lire les trente-six pages au format A4.
Il y avait eu, déjà, dans les années 1980 une revue NRV. On ne se souvient pas du tout de ce qui la mettait en rogne. C'était probablement un bolide lanceur de quelque carrière littéraire qui s'est essoufflée sans bruit. Les fusées retombent, elles aussi, comme les bandaisons les plus prometteuses. Parfois elles explosent en vol, à l'apogée de leur course, parfois elles s'éteignent dans le noir. D'ailleurs, il nous revient qu'elle était noir cette NRV-là. La nouvelle NRV est jaune orangé et présente un portait qui pourrait bien être de Jean Paulhan.
On y trouve : Alphonse Javal (1873-1944) qui débite deux pages délicieuses sur le fonctionnaire corse au ministère de l'Intérieur, des extraits de la correspondance de Jean Paulhan et Marcel Jouhandeau où sont daubés Crevel et ses amis, Suarès et Marie-Antoinette l'incestueuse, les voleurs du Caire et l'infidèle Marie Curie, et où, naturellement, il est question de pétanque :

J'ai peur que tu ne te trompes sur les boules.

Et encore la lettre d'un auteur mécontent d'avoir été refusé, des notes d'Amérique du Sud par Georges Clemenceau qui s'extasie sur les empreintes digitales en usage là-bas, un texte de "Marcellin Gabelou" (sic) sur un portrait tracé par Goya qui représenterait Voltaire, puis des notes de Marc Vaillancourt qui essaie de "s'évaltonner", la reprodcution de la fameuse lettre du 3 mai 1937 de Magritte à un critique imbécile, puis des "Images d'Enfance" d'Alexandre Rivemale (1918-2019), dramaturge célèbre en 1960 (pour Le Mobile), du Kant et du Jiri Kolar ("Au milieu des abrutis"), ce à quoi Richard Owen et Dominique Lebailly ajoutent leur grain de sel sur les épreuves de concours et sur Aragon, soit trente-six page que Charles le Pailleur, réputé "Libraire retraité" conclue aux côtés de Sade avec une Ballade de la librairie perdue au temps des feuilles mortes...
Le tout provenant on ne sait d'où, probablement un peu de Québec, et encore ça n'est pas sûr.
Mais il faut se faire une raison, se laisser aller et de ne pas savoir ne pas en profiter pour s'NRV.
Restons sereins et profitons.


NRV, n° 3, hiver 2016.
pas d'adresse, pas de prix.

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