Titaÿna grande reporter

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Tradition bien établie dans le monde anglo-saxon (Nellie Bly par exemple), la grande reportère française n'est pas engeance courante lorsque Titaÿna, née en 1897, entreprend de parcourir le monde pour en faire le tableau. Le XIXe siècle a vu émerger la figure de la femme journaliste (Séverine, etc.), mais elle a rarement muté en journaliste grand reporter. Parfois en aventurière, ce qui est tout autre chose. (On en connaît ici et là un cas, en particulier dans la presse "mag" qui commence à voir le jour mais nous y reviendrons ici même un peu plus tard). Pour l'heure, parlons de Titaÿana.
Sœur d'Alfred Sauvy, Élisabeth Sauvy (1897-1966) est reporter à Paris-Soir dans les années 1925-1939. Elle fonde aussi le magazine Jazz, collabore à Vu, bref, c'est l'Andrée Viollis du mouvement ! En tout cas, son existence est exubérante et elle finit par tomber dans l'excès, au mauvais moment, et au mauvais endroit. Elle signe des articles collaborations et doit se retirer aux États-Unis, où elle se fait silencieuse.
Cette première réédition, qui paraît quelques années fait suite à la biographie de Benoît Heimermann (Titaÿna, l'aventurière des années folles, Flammarion, 2011) et à une première réédition de 1985 par Francis Lacassin. Cette fois, cette Une femme chez les chasseurs de têtes (Nouvelle revue critique, 1934) enrichie de "La Caravane des morts" (version presse) et d'un troisième reportage aérien en terre américaine ("10 000 km à bord des avions ivres"). Style incisif et imagé, parfaite "scénographie" de ses papiers, Titaÿana préfigure le journalisme de l'image animée et doit à sa personnalité assez remarquable un retour chez les lecteurs amateurs d'allant et d'exotisme.

« Le village approche. Encore quelques mètres et nous l’atteindrons. Je passe ma main sur mon front pour chasser un malaise : une odeur fade se dégage des pierres, l’air semble lourd de miasmes. C’est la chaleur sans doute ; de larges gouttes de pluie tombaient tout à l’heure. Pourquoi ai-je un désir d’air pur dans cette montagne ? Le Malais vers lequel je me retourne tient sa main sur sa bouche. Éprouverait-il la même oppression ? Son regard fuit le mien, il paraît vouloir éviter toute conversation. Le soleil est presque tombé, dans quelques minutes il fera nuit. Brusquement, à la suite de mon guide, je me trouve au milieu du village toradja. L’étonnement coupe ma fatigue et mes pensées. Saisie, je regarde les demeures inattendues. Sont-elles maisons, autels, tombeaux ? Je ne sais pas encore. En deux rangées parallèles elles bordent une place centrale. Des crânes humains suspendus à leur sommet attestent la vaillance des habitants. Chaque case est une sorte de caisson surélevé à deux mètres du sol par des piliers de bois lisse. La disproportion entre la puissance de ces fondements et la légèreté de ce qu’ils supportent évoque ces dragons massifs chevauchés d’une princesse rayon de lune. »


Titaÿna, Une femme chez les chasseurs de têtes (et autres textes) — Marchialy, 272 pages, 18 €

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