Les incipits de l'été (1)

FiolofMag.jpg


Un incipit pour jour de grève autorisé avec manifestation admise, Frédéric Fiolof, le boss de la Moitié du fourbi (revue) s'adonne à La Magie dans les villes et en appelle dès son épigraphe à Henri Michaux. Il commence par faire tomber les murs. Est-ce bien autorisé ?

Un matin, en descendant les poubelles, il s'est aperçu que le mur qui séparait son immeuble du cimetière avait disparu. On voyait soudain les allées, les fleurs, les stèles. Il s'est dit : Tiens, je vis dans un ciment!ère à présent. Il a d'abord trouvé ça impudique, ces morts si nus, tout près de sa fenêtre. Et puis il a bien fallu faire voisin-voisin. Il s'est donc promené dans les allées, s'est laissé aller dans le labyrinthe. Il a épelé des noms caressé des tombes. C'est fou ce qu'un mort peut ressembler à un autre mort et, gravé dans le pierre, un chagrin éternel à un autre chagrin éternel. Puis il a commencé à s'attacher un peu à ses voisins anonymes, et même à faire des préférences. Il lui est arrivé de les plaindre, de se confier à eux. Sur les tombes trop peu visitées, il déposait des fleurs et, quelquefois, une nouvelle épitaphe : Moi aussi je pense à vous, je vous souhaite le temps doux. De temps à autre, quand ça durait trop longtemps, les voisins vivants l'appelaient de l'immeuble ! Ohé, camarade, oublie un peu les voisins morts, on est là nous aussi ! Et puis un jour tout est rentré dans l'ordre. le syndicat des copropriétaires a fait construire un long mur gris, comme avant, pour séparer les morts des vivants.



Frédéric Fiolof La Magie dans les villes. — Quidam, 110 pages, 12 € En librairie au mois d'août.


Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Haut de page