Paris ruinée une nouvelle fois

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Excellent travail de l'acharné Jean-Luc Buard : il a déniché en se basant sur le seul hasard (on prend Gallica, un périodique et on pioche les yeux fermés), une annonce de procès assez curieuse pour lui permettre de trouver la pièce oubliée d'une thématique littéraire fort prisée : Paris en ruine. On se souvient que dix-huit ans avant la mise à bas de l’Ancien régime, l’utopiste Louis-Sébastien Mercier (1740-1814) avait le premier usé de ce ressort destiné à exciter l’imagination prospective de ses contemporains. Concluant L’An 2440, rêve s’il en fut jamais (1771) par une évocation des décombres de Versailles, il forgeait une figure qui allait beaucoup servir durant le siècle suivant. Il y eut (extrait de la liste) Joseph Méry et "Les Ruines de Paris", Alfred Franklin et "Les Ruines de Paris en 4908" (réédition L'Arbre vengeur), Hippolyte Mettais et "L’An 5865 ou Paris dans quatre mille ans" (1865), Théophile Gautier et sa « Visite aux ruines » (été 1871), Henriot et Paris en l’an 3000 (1912, réédition Phébus), on en passe et, beaucoup plus proches de nous, J.-P. A. Bernard, "Les Deux Paris" (2001), sans oublier Giovanni Macchia, "Paris en ruines" (1988) et la somme des textes référencés par Marc Madouraud en 1994 et Philippe Ethuin dernièrement.
Dans tous ces travaux, il faudra donc ajouter une ligne pour 1822 et le texte de Félix Bodin (1795-1837), "Paris en 5839 (songe)", dont le pouvoir avait tenté de faire taire le récit lors de sa publication dans Le Miroir. C'est Le Constitutionnel du 9 octobre qui évoquait l'affaire (éteinte par la justice qui renvoie les plaignants sans qu'ils aient l'occasion de griffer leur proie) et le dossier est désormais publié qui montre combien les censeurs n'avaient pas apprécié les sous-entendus d'une anticipation de trois ou quatre feuillets...
Peur de la prophétie autocréatrice ? Déjà ?
Le plaisant de l'affaire est que Le Constitutionnel se faisait un malin plaisir de relater par le menu les propos incriminés, citant complaisamment le texte de Bodin, lui assurant de fait une excellente promotion. Sacrés journaux.
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Quoi qu'il en soit, c'est une excellente raison de relire Félix Bodin, l'auteur avec son ami Gérard de Nerval de la Complainte de la mort de haut et puissant seigneur le Droit d'aînesse, déconfit au Luxembourg, faubourg S.-Germain, et enterré dans toute la France en l'an de grâce 1826, accompagnée de notes... et précédée d'une préface, par Cadet Roussel et une société de publicistes, jurisconsultes et gens de lettres...


Félix Bodin Paris en 5839 (Songe). — "Les Cahiers archéobibliopgraphiques", 24 pages, H.C.

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