Un nouveau Noé

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Il est coloré. Il est même polychrome. C'est un roman un peu étonnant de la maison MF dont la collection "inventions" se préoccupe d'innovateurs sans tabou. Et avec Jacques Amblard, elle est servie pour ce qui est de la parole jaillissante.
Mieux, son livre est "choral et coloré" nous prévient la maison MF. C'est une arche dont le Noé sans mémoire remplit les soutes de pages en pages, lestant son récit de vies animales ou humaines qui . Noé est donc également polyphonique, autant que devait l'être la fameuse embarcation diluvienne. Plusieurs couleurs de la typographie interviennent dans le récit afin de l'ordonner pour le lecteur "visuel" (il est clair qu'une version sonore serait propice à une perception différente de l'oeuvre). Mais pas d'inquiétude : le dispositif est simple, même s'il convient durant les trente premières pages de ne pas perdre le fil — rien de plus simple que de se faire une petite fiche portant la modalité de discours correspondant à chaque couleur puisque le préambule l'explique simplement).
Les lecteurs des expérimentations premières de Maurice Roche en son Compact de 1966 (Le Seuil, édition nouvelle en couleurs : Tristram, 1996) ne trouveront rien à redire. Ils apprécieront sans doute même toutes les icônettes zoologiques qui parsèment le volume, qui prolifèrent même comme le règne animal qui semble magnétisé par le narrateur principal. Sur le fond, on veut dire sur le texte, il faut noter qu'il compte tirades et borborygmes, onomatopées et raisonnements, "songes émetteurs" et tests divers, Jean de Médicis et son haleine de rose, une foultitude de personnages bigarrés et Dieu le père, ainsi que des tas de récits accumulés au fil de réincarnations multiples. Et finalement, toute clé se perd peut-être dans un nuage rose qui ronge la page...

Un romancier est un éthicien. Il décrit froidement des comportements dont il montre, semble-t-il, les aberrations. Il fait mine ainsi de les condamner. Son ton pourrait alors évoquer un ricanement subtil h-h-h ou hé-hé-hé-hé-hé-hé. HE-HE-He. Il est alors supposé savoir quel autre comportement serait préférable. Or, il l'ignore. Les prestige en partie usurpé de la littérature est notamment basé sur ce malentendu. L'auteur, ce fin matois, est censé connaître la solution du problème qu'il met à jour. Or il ne la connaît guère. Tant mieux car à quoi bon résoudre de soi-disant problème ? (...) Peu importe. L'apocalypse vint enfin. (...)





Jacques Amblard Noé (vies explosées). — Paris, éditions MF, collection "Inventions", 304 pages, 22,00 €

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